Constance Debré
« Les noms c'est comme des cartes Pokémon, ça vient avec des points. Des points en plus ou bien des points en moins. »
Soyons honnête, j’ai lu ce livre après que quelqu’un ait parié que je n’allais pas aimer, que ce n’était pas mon genre de lecture. J’ai lu ce roman par défi, autant pour le récit en lui-même que pour comprendre ce qui pouvait pousser une personne à le cataloguer dans la catégorie des livres pas faits pour moi…
« … Être libre c’est le vide, ce n’est que ce rapport avec le vide. »
Tout commence par la mort du père. C’est souvent ça, une mort qui déclenche quelque chose, un flot de souvenirs, un retour sur soi-même et son rapport au monde.
Il y a eu l’enfance chaotique avec des parents drogués, issus de la haute société mais marginaux dans leurs façons d’être, de vivre, de gérer. Il y a eu le besoin (inconscient?) de normalité, alors Henri IV, Droit à La Sorbonne, barreau, mariage, enfant. Et puis il y a eu le ras le bol, on plaque tout, absolument tout, on se contente d’un sac à dos et on vadrouille, on fait ce qu’on peut, on va où on veut, on goûte à la liberté et aux femmes, on se transforme pour ne plus reconnaître celle qu’on a été. Pour devenir autre, devenir soi à part entière.
Le père meurt et avec lui ce qu’il reste de famille, de lien, de passé qui retient en arrière. Le père meurt mais sa mort fait naître quelque chose d’autre, d’encore un peu flou, d’encore un peu bancal, mais qu’on sent qu’il sera important pour la suite des événements.
« Le pouvoir c'est pour ceux qui n'ont pas le courage d'être beaux. »
La réponse à ce défi est comme le récit, floue et bancale. Ai-je ou non aimé ? Je ne sais pas.
Il y a des choses qui m’ont interpellée, gênée. Une forme d’ingratitude, de rejet de ce qu’on a été, de là où on vient, tout en profitant des privilèges que les racines et la famille, le nom, apportent.
Constance Debré est fille, petite-fille, nièce de… ça lui pèse ? Mais ça lui apporte aussi. Ce qu’elle a pu faire, ce qu’elle a eu le courage (le courage autant que l’égoïsme) de faire, elle n’aurait sans doute jamais pu le réaliser sans cette filiation. Son nom, c’est un poids et pourtant, elle l’a gardé. Puisqu’il lui pèse autant, pourquoi ne pas en changer ? Puisqu’elle a eu la présence d’esprit de ne pas le faire porter à son fils, pourquoi continuer de se l’infliger ? Mon point de vue, qui n’est que le mien, c’est qu’il lui apporte une certaine légitimité.
Admirable à certains égards, elle n’en est pas moins détestable à d’autres. Son enfance n’a pas été auréolée de bonheur, on le comprend. On sent la tristesse, le chagrin derrière la colère ou même l’indifférence qu’elle tente de nous faire passer. On sent le courage, la ténacité, le défi. On sent le désir d’émancipation. Mais ce qu’on sent aussi, c’est beaucoup (trop) d’assurance. La persuasion d’avoir, de connaître la Vérité quand le monde autour d’elle se trompe : de priorités, de convictions, de vie.
« Écrire ce qu'on est seul à savoir. Ce qu'on a vu. Ce qu'on a compris. Écrire comme on n'y comprend rien. Ou bien se taire. »
D’autres qu'elle ont dû porter le poids mort de leur ascendance, sans cette prétention. Mais cette mésestime cache autre chose. Cache une incertitude. Ce je m’en-foutisme apparent n’est qu’une carapace sous laquelle il y a sans doute beaucoup de souffrances : on fait face, on fait semblant mais ça touche, ça travaille.
Constance Debré me fait penser à un adolescent de 50 ans, qui ne veut surtout pas montrer ses failles…
Constance Debré sera relue, un peu comme quand on se décide à revoir quelqu’un, non pas tant parce qu’on l’aime que parce qu’on se dit que si on le comprend mieux, on pourra peut-être l’aider…
« Les gens comme moi aiment les catastrophes légères pour l’ambiance philosophique que ça donne au monde.»
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