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A crier dans les ruines

Alexandra Koszelyk

Je ne me souvenais pas avoir voulu ce livre, qui se trouvait pourtant depuis pas mal de temps dans ma liste d’envie. Les fêtes de Noël ont été l’occasion de m’en souvenir, et de le lire, enfin !


« Le coquelicot possède la force du cosaque, mais il suffit de le cueillir pour voir se faner ses pétales, comme ces visages, chiffonnés d’avoir trop pleuré.»

C’est en avril 2006 que commence cette histoire. Léna, 20 ans après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, revient à Pripiat, là où elle a grandi, là où elle a appris à danser, là où elle a aimé, puis abandonné - bien malgré elle - son plus cher ami, Ivan.

Car à la fin avril 1986, le réacteur numéro quatre de la centrale nucléaire s’est fissuré et c’est toute une région qui est dévastée par la radioactivité. Les parents de Léna, tous deux ingénieurs, décident de quitter le pays et de s’exiler vers la France. Ce n’est que dans le train que l’enfant, alors âgée de 13 ans, apprend qu’il n’y aura pas de retour chez elle. La nouvelle la désespère, elle ne s’en remettra jamais vraiment.

Et malgré tout, la vie continue. Elle apprend le français, s’intègre petit à petit dans cette nouvelle vie normande, puis rejoint Paris, pour ses études d’abord, puis pour son métier.

Elle commence même à construire une vie à deux, tentant d’oublier le passé, persuadée que l’espoir réside dans le futur, comme son père n’a eu de cesse de le répéter.

Mais malgré cette vie qui continue, elle avance à l’aveugle, comme coupée de ses racines, avec un trou béant au creux du cœur.

À la mort de sa grand-mère, elle se décide. Enfin, elle rentre retrouver Pripyat, retrouver Ivan, reprendre racines.


« … quand le dernier instant se fige, quand on sait qu'il portera le nom de « dernier », alors l'instant revient et perfore l'inconscient. Si j'avais su...»

Au tout début du récit, j’ai cru à une banale histoire d’amour. Il faut avouer que ce n’est franchement pas ce que je préfère. Et puis très rapidement c’est le récit d’une catastrophe historique qui a pris le dessus.

A partir de là, un enchaînement de dominos sur la vie de deux enfants qui, jamais, ne s’oublient, qui traversent la vie, chacun de son côté, malgré tout toujours reliés l’un à l’autre.

Léna - en France - avance, parce qu' elle n’a pas le choix, parce que c’est ce qu’on attend d’elle, parce qu’elle est persuadée qu’Ivan est mort, et que rien ne pourra le ramener.

En Ukraine, Ivan avance, dans la colère, la tristesse, l’abandon, le deuil, puis les excès en tous genres qui colmatent en vain la peur lancinante

C’est bien plus qu’une simple histoire d’amour, ce sont des histoires : de l’exil, de la psychogénéalogie, de la mythologie, de la souffrance. Mais aussi et surtout de l’espoir et de la pugnacité.

Après 20 ans, la nature a repris ses droits à Tchernobyl, sans se soucier de la radioactivité qui continuera de polluer la terre et les airs pendant encore des années et des années mais malgré cette pollution invisible, la vie est belle, parce qu’elle est verte.

Ce récit est également une dénonciation de ce que l’homme est prêt à prendre comme risque, d’un point de vue technologique, scientifique, au péril de sa vie, au péril de son peuple, pour une idéologie qui finalement ne tient pas à grand-chose.

Un autre roman sur l’Ukraine donc mais celui-ci nous en apprend encore davantage sur l’Histoire de ce pays meurtri depuis des siècles. Une nation qui, espérons-le, arrivera un jour enfin à se relever et à briller, comme elle le mérite !


«… la terre est un tout, elle ne possède pas ces frontières artificielles. La blessure d'un pays se répercute sur un autre. C'est une guerre mondiale, rampante, dont nous ne connaissons pas tous les dommages collatéraux. »

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