Raphaël Meltz
« tous les chemins possibles que pourraient prendre les vies; cela vaut pour les nôtres aussi: à la fin il n'en reste qu'un seul. Et c'est celui qu'on (se) raconte. »
Dans la nuit du 22 septembre 1912, Franz Kafka a écrit sa nouvelle Le verdict, consacrant par là même son statut d’écrivain selon ses propres critères. Il avait réussi à produire quelque chose qui le satisfasse, enfin. Dans la chambre de l’appartement familial, sans quitter son bureau, il s’est acharné et a rédigé cette courte nouvelle sur un homme et son père.
L’auteur tourmenté a lutté avec lui-même pendant des années, il s’est battu contre la mélancolie, la tristesse, les exigences de la vie en général et professionnelle en particulier. Celui qui voyait l’écriture comme un travail aurait rêvé pouvoir vivre en ermite et se consacrer tout entier à la tâche.
Le verdict n’est pas la première production littéraire du Tchèque mais la plus aboutie (jusqu’alors). Autour de ces 17 pages dactylographiées, il y a les lettres qu’il a envoyées à ses proches, notamment Felice - sa fiancée - d’alors et Max, son meilleur ami. Il y a aussi son journal, tenu de manière sporadique parfois, obsessionnelle d’autres fois.
Il y a les témoignages de ceux qui entouraient l’auteure, les analyses et regards extérieurs qui permettent de jeter sur cette nuit du 22 septembre un éclairage particulier, l’éclairage de l’émergence d’un génie littéraire.
« cet homme parvient au seuil de la journée au bout de laquelle il va enfin se retrouver à pouvoir : tout tenter. »
Alors, euh, bon. Kafka n’est pas l’auteur que je connais le mieux, et faire sa connaissance via cette biographie thématique n’était peut-être pas la meilleure idée que j’ai eue. Quoique très bien construite et extrêmement documentée (la nouvelle dont il est question est d'ailleurs intégralement inclus dans le livre, pour que nous sachions exactement de quoi il s'agit ici), il n’en reste pas moins que cette vision de l'existence de l’écrivain a quelque chose de démoralisant, comme la vie du Tchèque, finalement.
Ce n’est pas l’approche, l’écriture de l'auteur qui m’a refroidie mais la destinée même du sujet. Kafka est dépressif, obsédé, éternellement insatisfait et très exigeant, tant envers lui-même qu’envers les autres. On est à la limite du spectre autistique.
La narration de Meltz traduit sa fascination, son travail acharné autour de cette fameuse nuit productive : ce qui a précédé, ce qui s’est passé, ce qui a suivi.
J’ai appris énormément de choses sur le monument Kafka, sur l’homme Franz, sur le soupirant, l’ami, le juif, le malade… mais rien qui ne me donne envie de me plonger à corps perdu dans son œuvre.
« L'histoire de la littérature est toujours pleine de rebondissements : c'est pour ça qu'on peut passer une vie entière à s'y plonger... »
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