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Bibliomanie ou Bibliophilie ?



Quelle est la place prise par les livres ? Quelle est la place qu’on leur donne ?

« La bibliomanie est un trouble obsessionnel compulsif qui consiste à accumuler des livres jusqu’à en altérer ses relations sociales et sa santé, une passion qui se transforme en addiction. » Saperlipopette ! Suis-je condamnée ?

« Il faut savoir que cette accumulation n’est pas liée au plaisir de la lecture comme pour un bibliophile, ni pour l’amour du livre en tant qu’objet porteur d’un sens particulier … Dans la bibliomanie seule l’accumulation compte ». Ouf ! D’un coup, je me sens beaucoup mieux … (source)

Régulièrement, j’achète de nouveaux livres. Régulièrement, je me demande comment je vais faire pour les ranger. Rien à faire, malgré les doubles fonds, les tassements, les piles, au bout d’un moment, quand il n’y a plus de place, il n’y en a plus. J’arrive à cette limite. Arg… il me reste encore quelques espaces épars, mais jusque quand ?

« La bibliomanie c'est la maladie, la bibliophilie c'est la science. La première est la parodie de la seconde. » Jules Richard

Lorsque j’ai abordé la possibilité de mettre une Billy dans une autre pièce de la maison, j’ai eu un retour assez catégorique : NON. Mes livres sont dans ma pièce, je dois faire avec cet espace et l’organiser de manière à ne pas envahir le reste de la maison. C’est difficile, vraiment, parce qu’à un moment donné, il va falloir que je me sépare de certains de mes ouvrages. Mais lesquels ? sur quel critère ? à quel prix (émotionnel) ?

Je me suis soumise à l’exercice ce matin. J’y ai passé deux bonnes heures. Quels bouquins allais-je discriminer parmi les 960 environ qui cohabitent dans ma bibliothèque ? J’ai réussi à faire une sélection de 40. C’est le maximum que j’ai pu faire (et j’ai mal à la tête encore, plusieurs heures plus tard). Le questionnement et les réflexions que cela a engendré dans ma tête déjà bien encombrée me laissent un arrière-goût bizarre. Suis-je une collectionneuse compulsive ? Sont-ce les objets, les histoires, où les symboles auxquels je m’attache de la sorte ?

J’ai eu l’occasion, à de nombreuses reprises, de discuter avec d’autres gros lecteurs et j’ai la chance de compter parmi mes amies les plus proches des boulimiques de lecture comme moi. Je suis toujours effarée, presque effrayée par leur capacité à ne pas posséder le livre. Surtout si c’en est un qu’ils ou elles ont aimé. Je suis usagère de la bibliothèque dans laquelle je travaille depuis plusieurs années, et je lis aussi sur liseuse, donc le fait de ne pas POSSEDER un bouquin n’est pas en soi un problème. Sauf si le livre en question a un écho fort en moi. Par exemple : j’avais emprunté « Yoga » d’Emmanuel Carrère en bibliothèque (ceux qui me suivent savent l’importance que ce récit a pour moi). Ensuite, je l’ai emprunté à mon papa pour le relire. Je l’ai ensuite acheté en format audio, et finalement, on me l’a offert en format papier. Parce qu’il me le fallait, ce livre est vraiment essentiel dans ma vie (et pas seulement ma vie de lectrice) pour ne pas m’accompagner.

« Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut ». Cicéron

Mon mari me dit que je suis une collectionneuse. Je ne sais pas. Je ne sais pas non plus pourquoi, si je le suis, cette lubie des ouvrages, cette volonté de les avoir là, autour de moi, à la fois comme des remparts mais aussi comme des fenêtres sur l’extérieur. Ils sont là, chacun d’eux porteur de quelque chose, parfois de très puissant.

Je regarde la pile des livres qui vont me quitter. Sélections de France Loisirs, romans que je n’ai pas particulièrement aimés, écrits dont j’ai fait le deuil ou que je n’ai pas réussi à terminer. Mais à chaque fois, j’attendais l’extrême. Je vous donne un exemple concret : « La répudiation » de Rachid Boudjera. J’ai lu ce livre, sur les conseils d’un ancien collègue. J’ai lutté avec ce roman, dont l’intrigue et le style m’ont malmenée. Les phrases sont longues, il y a peu d’espace pour respirer, le narrateur est passablement antipathique. Je l’ai mis dans la Pile à Partir. Et puis non. Et puis si. Et finalement, il a repris sa place sur son étagère. Pourquoi ? je n’ai pas aimé ce roman. Je devrais pouvoir m’en séparer sans trop de difficultés. Mais il s’accroche à moi. Par mon ancien ami qui me l’a conseillé, par la période où je l’ai lu, par ce que j’y ai appris sur les us et coutumes de l’Algérie et de l’Islam. Et finalement, il est bien là où il est.

« Une bibliothèque, c'est un des plus beaux paysages du monde. » Jacques Sternberg

Peut-être est là une partie de la réponse. Quand je regarde le mur derrière moi, je vois mes amis auteurs et personnages, je vois les pays où ils m’ont emmenée, les périodes qu’ils m’ont faites découvrir. Mais je me souviens aussi de qui me l’a offert ou conseillé, dans quel contexte je l’ai lu, à quelle période de ma vie, pourquoi, comment. Jean-Christophe Grangé a été ma porte d’entrée dans le polar, Stephen King a accompagné mes nuits d’adolescentes, en alternance avec Charlotte Brontë. « La petite boulangerie du bout du monde » m’a aidée à garder espoir après mon divorce en 2015 tandis qu’ « Adultère » de Paulo Coelho m’a accompagnée dans ma prise de décision en 2014. « Le Royaume » m’a permis d’interroger ma foi, tandis que « Yoga » m’a aidée à sortir d’un état dépressif. « Anima » et « Amélia » m’ont sortie de ma léthargie en 2016, et « Chinoises » de Xinran m’a permis de retourner en Chine au début du confinement de 2020.


Chacun de mes livres a deux histoires en fin de compte : celle qu’il raconte et la mienne au moment où nous nous sommes trouvés l’un l’autre. Cela suffira-t’il à pousser les murs pour trouver de la place ? je ne crois pas. Mais cela m’aidera sans doute à déculpabiliser sur le fait que je n’arrive pas à me séparer d’eux.

« Tant que je pourrai voyager autour de ma bibliothèque, je ne me sentirai jamais tout à fait désespéré. » Michel del Castillo

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