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Big Girl

Mecca Jamilah Sullivan

« Un coup de folie peut conduire à un autre. C'est ça, le problème avec la liberté. Ça peut être addictif. »

Les personnes qui n’ont jamais été en surpoids ne peuvent imaginer un seul instant la souffrance de ceux qui le sont, et la force dont ils doivent faire preuve. Pour avoir une petite idée, découvrez le quotidien de Malaya…


« les voyants ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, et les entendants sont complètement bouchés. Alors autant parler avec des gens qui savent réfléchir.

Nous sommes dans le quartier de Harlem en 1988. Malaya a 8 ans. Elle vit avec ses parents dans une Brownstone, son père travaille dans l’informatique, sa mère est professeure de psychologie à la faculté. La petite fille va dans une école privée, passe ses vacances d’été à Philadelphie chez sa grand-mère maternelle, se rend toutes les semaines à son cours de danse africaine. Une jeunesse privilégiée. Sauf que non. Parce qu’à 8 ans, l’enfant pèse déjà 78 kg. Et que sa gourmandise et son appétit n’ont pas de limite. Elle se lève la nuit pour se rendre dans la cuisine, vole de l’argent à sa mère pour acheter des sucreries… Les réunions Weight Watchers ou les reproches - exprimés ou non - de ses proches ne l’atteignent pas. Elle assiste à l’élargissement de son corps comme aux disputes de ses parents, impuissante. Il n’y a que son amie Shaniece qui lui donne le sourire avec ses attentions tendres et sucrées.

1996, Malaya a 15 ans. Elle ne s’est plus pesée depuis de longs mois, depuis que la balance bloquée à 150 kg du médecin n’a plus pu mesurer. L’adolescente aussi a abandonné. À quoi bon. Elle est intégrée à un groupe d’amis solide, elle continue de manger et de peindre, dessiner, croquer. La musique et les couleurs lui suffisent quand elle n’a rien à se mettre sous la dent, elles l’aident même à fuir les railleries qu’elle suscite. Elle sent bien que ses parents ne sont plus un couple, qu’elle fait honte à sa famille mais elle prend de la distance et se protège. Mais il y a des choses et des événements dont on ne peut pas se protéger…


« Et quand on n'est pas prêt pour l'amour éveillé, on se retrouve avec le cœur brisé. »

Pour un premier roman, on peut qualifier Big Girl de réussite. Traitant d’un sujet qui est délicat, à savoir l’obésité infantile, qui plus est chez une enfants noire à Harlem dans les années 80 puis 90, il y a dans cette histoire tout ce qu’il faut pour immerger le lecteur dans une période, un quartier, un état d’esprit. Le personnage principal est attachant et on n’a de cesse de vouloir comprendre, raisonner mais également protéger Malaya : des moqueries, des remontrances, de la charge mentale en plus de la charge pondérale qui l’empêche d’avoir une vie d’enfant comme les autres. On assiste à son évolution en même temps qu’à celle de son quartier, qui subit de nombreuses révolutions structurelles. De ghetto, Harlem est devenu un quartier en pleine reconstruction, un lifting en bonne et due forme pour que les blancs s’y sentent bien. La grand-mère de l’enfant, quoique acariâtre à souhait a la sagesse et le recul d’une femme ayant subit la ségrégation directe et le décalage qu’il y a entre Malaya et elle rappelle celui qui peut exister entre nos parents et nos enfants.

À titre plus personnel, la question du poids m’a particulièrement touchée. Je me suis reconnue dans beaucoup de choses vécues et subies par cette fille qui ne rentrait pas dans les cases et qui était acculée de toute part.

C’est un roman de construction de soi en même temps que de déconstructions de codes et d’impératifs sociaux. Une grande leçon d’humilité et de courage.


« Je crois que le bonheur vient par morceaux (...). L'argent, la beauté, un cerveau en paix qui ne pose pas trop de questions. Le pouvoir. Tout ça, ce sont des morceaux de ce qu'il nous faut pour être heureux.

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