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Ce lien entre nous

David Joy

« L’empathie, ce n’est pas se tenir au-dessus d’un trou en se disant qu’on comprend,  l’empathie c’est avoir soi-même été dans ce trou. »

Dans le fin fond de la Caroline du Nord, près de la rivière Tuckasegee; Darl Moody part chasser sur un terrain qui ne lui appartient pas, dans la clandestinité la plus totale. Il ne pense pas à autre chose qu’à remplir son congélateur et ceux de sa famille. Malheureusement, par un coup de malchance, au cœur de la nuit, il abat un homme, le prenant pour un animal sauvage. Il fait appel à son meilleur ami, Calvin, pour l’aider à se dépêtrer de la situation et cacher le corps de celui qu’ils ont tout de suite reconnu par la tâche de vin qui orne son visage. 

L’homme que Darl a tué, c’est Carol, plus connu sous le sobriquet de Sissy. Lui non plus n’avait pas le droit d’être là. Mais il voulait cueillir du ginseng. Et lorsque son frère aîné, Dwayne, se rend compte que le cadet ne reviendra pas, il ne met pas longtemps à comprendre que quelque chose de grave lui est arrivé. Une rapide enquête le met sur la piste de Darl et sa vengeance s’abat sur ce dernier avec une violence inouïe. Dwayne décide de ne pas s’arrêter là cependant, parce que ce petit frère, c’est tout ce qu’il lui restait, la personne qu’il aimait le plus au monde, celui qui lui avait fait oublier les misères et la violence de l’enfance.  Alors le colosse se lance sur les traces de Calvin, avec dans l’idée de lui faire vivre le même cauchemar, le même chagrin que celui dont il est envahi. 

Au cœur des collines de la Caroline du Nord, dans les contrées les plus reculées et les plus authentiques des Etats-Unis, s’engage alors une lutte, un face à face entre un homme qui a tout perdu et un autre qui a tout à perdre.


« l’esprit est un enfer à lui-seul. »

C’est le second roman de l’auteur que je lis, après “Les deux visages du monde” (2024) et mon attrait premier a été confirmé à la lecture de cet ouvrage qui nous plonge déjà dans l’environnement si particulier de la Caroline du Nord, état rural et conservateur, plus proche des films de Jane Campion que de ceux de Woody Allen. D’ailleurs, la dimension dramatique du roman est également très cinématographique, s’inscrivant dans des coutumes, dans des familles, dans un état d’esprit très particulier. 

Dans ce roman, ode aux paysages et au temps qui passe autant que portrait cruel d’une Amérique ancrée dans ses travers réactionnaires, pour ne pas dire rétrogrades, on ne peut pas se positionner complètement pour ou contre, d’accord ou pas d’accord. Les gentils ne le sont pas et les méchants ont de bonnes raisons de l’être. Même la météo n’est pas ce qu’elle devrait être, comme un écho aux actions des protagonistes. 

« Les choses les plus complexes que se disaient les hommes étaient souvent non-dites »

David Joy ne nous surprend pas, et je ne pense pas que ce soit son but. Mais il nous embarque dans son État, dans son environnement, dans une pensée, un passif, une façon de voir et de vivre les choses, si différente de ce que nous avons l'habitude de voir ou de lire sur la modernité des USA. Ici, on revendique son passé confédéré, le port d'armes, le soutien à Trump et la place de la communauté de l’Eglise. Boulot, dodo, messe et on recommence. 

Ce n’est pas désagréable, bien au contraire, parce que le cadre décrit par l’auteur nous donne envie d’en savoir plus à la fois sur le lieu mais également sur les habitants de ces petites villes de l’Amérique profonde. Dans la lignée d’un Pete Fromm ou d’un Gabriel Talent, David Joy s’inscrit dans le mouvement du Nature Writing où le lieu - ici les collines et la forêt - sont aussi des personnages centraux de l’intrigue. Un bon moment de lecture, un beau voyage, de belles rencontres. Tout y est ! 


« Le truc avec ce monde, c’était qu’on n’avait encore rien trouvé pour le faire ralentir ou s’arrêter de tourner. »

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