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Coeur du Sahel

Djaïli Amadou Amal

« Entre nous, peu importe ce que tu vois et peu importent les problèmes qui peuvent survenir, tu ne dois jamais, au grand jamais, trahir un des tiens. C’est la règle absolue! »

De retour de Bretagne, une envie de voyage, loin, loin, sur mon continent de cœur, l’Afrique. J’ai fait un saut au Cameroun, avec Faydé et ses proches. Alors que Boko Haram et les difficultés de la vie rurale s'abattent sur le village de l’adolescente, elle est décidée à aider sa mère. Pour cela, elle se décide à rejoindre la ville et à être domestique. Sa mère s’y refuse d’abord, se souvenant de sa propre expérience. Puis, devant l’insistance de la jeune fille et la dure réalité de son quotidien, conseillée par le prêtre et le sorcier du village, elle se résout à voir son aînée la quitter pour vivre sa vie.

Bonne dans une riche concession familiale, Faydé garde la tête haute, reste digne et intègre malgré toutes les vicissitudes de ce nouveau quotidien. Elle a tout à apprendre, elle, si naïve et innocente. Les maltraitances, les injures, les accommodements. Les assauts de ces hommes, peuls islamisés, qui sont bercés par l’hypocrisie dans laquelle ils se baignent plaisamment. Tout est prétexte à ridiculiser la gamine qui ne démord pas de sa mission : gagner de l’argent pour que sa famille, au village, soit fière d’elle et s’en sorte un peu mieux.

Et puis l’amour, finalement, la touche. Elle qui a résisté à toutes les tentations et aux agressions, elle finit par tomber amoureuse, mais ne prend pas garde. Celui qu’elle aime n’est pas de sa caste. Alors, tels Roméo et Juliette, ils vont s’aimer en secret, en passion, conscients que cela ne pourra pas durer mais profitant de chaque moment passé ensemble. Mais, à la différence du couple mythique Shakespearien, la mort n’est pas une issue. Pas pour Faydé. Elle est trop fière, trop battante, trop la fille de sa mère.


« Un mariage forcé est toujours forcé quand il repose sur la persuasion, le chantage affectif, les menaces ou invoque le prétexte de la religion. Et la barbarie reste la même. »

Second roman de l’auteure Camerounaise, ce récit de vie des domestiques, des petites gens des villes du pays est aussi, de mon point de vue, moins naïf, mieux construit. Dans “Les impatientes”, j’avais ressenti une certaine retenue quant aux coutumes du pays. Ici, c’est plus cru, plus direct. Moins de secrets. L’écrivaine semble avoir grandi dans sa narration, dans son écriture. Il y a une légèreté, une sorte de candeur dans le récit, mais moins liée à la plume qu’au personnage de Faydé, débarquée à Maroua à tout juste 15 ans. Âge auquel on n’est plus tout à fait une enfant, mais pas encore une adulte. Dans un pays aux prises avec un islam hypocrite et l’invasion de Boko Haram, chacun fait ce qu’il peut pour s’en sortir. Les frontières fermées, les attentats suicides, mais aussi le rejet des chrétiens et des campagnards, tout cela participe à nous immerger dans un pays dont le nom est connu et reconnu mais dont le fonctionnement est plus opaque. L’auteure prend le parti de se mettre de l’autre côté de ce qu’elle est, à savoir une peul musulmane, pour nous raconter les difficultés des autres, témoigner pour ses sœurs : toutes les femmes se valent, voilà la finalité de son discours. L’empathie est le maître mot de ce roman, avec la découverte, l’amour et l’acceptation. Un beau voyage donc, qui nous invite à comprendre mais sans juger, c’est le plus important !


« On ne peut contraindre (le cœur) à se résigner à la fatalité d’un interdit. Le cœur est indépendant. Il n’en fait que sa tête et reste sourd aux conseils et aux recommandations. Il est rebelle et déraisonnable. »

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