
Au milieu de tous les influenceurs, Youtubeurs, Instagramers (orth?), comment faire pour être remarqué ?
A l'heure où les réseaux font loi, météo et baromètre, il est naturel d'avoir envie de sa petite place au soleil, aussi. Loin de moi l'idée de rencontrer un succès phénoménal à la mesure de celui des anciennes stars de télé-réalité par exemple, mais tout de même, je trouve qu'il est difficile d'être remarquée... je me pose donc cette question : suis-je remarquable ? (Au sens littéral du terme, bien sûr). C’est une piqûre d’orgueil, je l’admets. Mais le besoin de reconnaissance est naturel (il est même dans la pyramide de Maslow) et voir son travail et son investissement salué, ça fait du bien à l’égo…
“Célébrité n'est pas belle, et ce n'est pas ce qui nous grandit.” B. Pasternak
Je suis avidement beaucoup de chaînes, profils, émissions. J'ai mes chouchous, ceux que j'attends chaque semaine avec impatience, et ceux qui ne sont pour moi que source d'inspiration de ce que je dois - ou non - faire. Il y a quelques semaines, par exemple, j'ai commencé à suivre un # sur Instagram. Dedans, il y avait le mot "livre" ou "book", je ne sais plus exactement, mais ce que je sais, c'est que ce fil était clairement décrit comme vantant les mérites de la lecture et des ouvrages. Je me suis dit que cela serait bien de voir ce qui se fait, non pas chez ceux que je considère comme des concurrents mais plutôt comme des compagnons de passion.

Quelle n'a pas été ma surprise lorsque j'ai constaté que pour faire la promo d'un nouveau roman, se mettre en maillot de bain (parfois juste en bas de maillot d'ailleurs), c'était ce qui se faisait maintenant. Pas de retour de lecture, pas de ressenti, pas même de commentaire en dehors du titre et de cette photo de femme à moitié nue, avec un livre en main. Bizarrement, ça ne me donne pas envie. A la limite, si Chris Hemsworth avait été à la place de la jeune femme, je ne dis pas... mais bon, pas cette fois.
En remontant un peu plus dans les publications de ce #, je vais d'effarement en étonnement, toujours plus intense ! Des livres, oui, un peu, dans des coins de photos et parfois pas du tout de livre. Il ne s'agissait pas tant de faire la promotion de la lecture que du reste. Il y avait même une publication sur les effets d'un régime type "Ducan" (sans le livre qui va avec). Une sorte d'avant-après. Alors là je dis "Bravo", vraiment. Je sais à quel point c'est difficile de perdre du poids et à quel point on en tire de la fierté. Mais quel rapport avec le sujet du fil ? Où va-t-on, franchement ? J'ai beau retourner la question dans tous les sens, je ne comprends pas le lien entre la fille à poil qui a perdu 15 kg (encore félicitations, sincèrement) et les lectures de notre quotidien...
Et c’est là que j’ai vraiment compris l’intérêt de ces # . Il ne s’agirait donc pas tant de faire la promo de ce livre mais plutôt de savoir utiliser les mots, les sigles, les expressions, pour être référencés et donc vus par le plus grand monde. Peu importe si je fais la promo d’un nouveau vernis à ongles. Si je tag #bookstagram, même ceux qui s’en foutent de mes mains les verront !
Sujet suivant : les vidéos. Alors je ne vais pas non plus jouer les hypocrites, il y en a que je regarde. En fait, il a une seule jeune fille que je suis avec avidité, il s'agit de @labibliothequedepoche sur Instagram. On ne va pas se mentir, partagée entre envie et admiration pour ce petit bout de demoiselle fraiche, je trouve ses analyses particulièrement bonnes, réfléchies et parfois très inattendues (merci de m'avoir donné envie de relire Zweig !). Lola est toute jeune (arg, elle pourrait même être ma fille et ça, ça pique !) mais elle a un truc et oui, j'aimerais bien que ma fille prenne exemple sur elle, tant elle fait preuve de motivation et d'énergie. Mon admiration va bien sûr à ses lectures mais aussi à son parcours. Je l'ai découverte grâce à @LaGrandeLibrairie (déjà, ça pose-là, une telle recommandation !) je suis abonnée et fidèle. Je ne peux m'empêcher de me demander où elle trouve le temps de lire autant, d'étudier (studieusement à ce que j'ai compris), de travailler et de tourner. L'ombre de Delphine de Vigan plane, je m'inquiète un peu, forcément. Mais voilà, elle a 18 ou 19 ans, j’imagine qu’elle sait ce qu'elle fait et elle le fait bien.
"Mais Big Brother avait été accueilli les bras ouverts et le cœur affamé de likes, et chacun avait accepté d’être son propre bourreau." D. D Vigan

Mais en dehors de Lola, qui est mon exception qui confirme la règle, je ne comprends pas. J'ai essayé d'en discuter avec des lecteurs et des non-lecteurs (et il y en a autour de moi, vous n'imaginez pas !), mais rien à faire, ça me dépasse. Ce format de "promotion personnelle via les réseaux" me gêne. A dire vrai, ce qui me pose problème, c'est que la vidéo prenne le pas (encore une fois) sur l'écrit. Mais on parle de livre là, pas de films ! On fait la promotion des lettres, des écrits, des récits, des histoires sur papier (ok, ou sur écran pour les adeptes) mais quand même, il s'agit de livres, et en faire l'apologie en mode vidéo, ça me pique les yeux ! Les non-lecteurs de mon entourage proche me dise que ce qui concerne les livres et la lecture, c'est une niche, que cela ne concerne que peu de personnes. Je n'en suis pas persuadée mais soit. En quoi cela change-t-il la problématique du média ? Pourquoi se filmer, monter sa petite vidéo ? Je suis désolée, sincèrement, d'avance, pour les propos que je vais tenir, mais pour moi, c'est de l'exhibitionnisme. On se montre soit, pas l'œuvre.
Bref, le format vidéo, non, je n'adhère pas. A quelques exceptions près bien sûr (j'en reviens toujours à cette jolie petite @bibliothèquedepoche qui fait mon bonheur tous les dimanches) mais quand même... Il y a des fois, il faudrait s'abstenir. Aussi parce que regardons les choses en face, on n'est pas tous égaux devant une caméra. C'est un exercice difficile à réaliser et parfois, oui oui, à regarder : (se) filmer, monter, publier. Je suis la première à faire des retours de lecture, c'est vrai, mais se filmer pour le faire ? n'est-ce pas une mise en avant du lecteur avant d'être une mise en valeur du roman ?
"En six ans, l'humanité a regardé l'équivalent d'un million deux cent mille années de vidéos pornographiques et a visité quatre-vingt-treize milliards de pages sur les plateformes gratuites." E. Abecassis
L'image est omniprésente dans nos vies, et c'est ce que qui vend, ce qui attire. Je dois dire que cela me fait un peu peur. Le travail de l'imaginaire, la magie de la lecture (parce que oui, c'est quand même magnifique ce que le cerveau est capable de faire avec 26 lettres !) se perd. On donne du visuel, du pré-mâché. Et si on ne se plie pas à l'exercice qui consiste à créer des (belles) images, à prendre des photos originales, on ne sort pas du lot.
Je suis bien placée pour savoir que tous les efforts du monde ne seront pas récompensés s'il y a trop de mots et pas assez d'images. Je le vois, je l'entends :
"Tes articles sont trop longs", "Pourquoi tu ne te filmes pas ?", "Encore de la lecture ?"
Mais à quoi bon alors ? Il faut trouver la réponse en soi, accepter de céder à une petite dose d'hypocrisie et/ ou d'ironie, et se dire que ce que l'on fait, on le fait d'abord pour soi, si ça peut plaire à d'autres, c'est cool. Sinon, tant pis. Je reste avec mon petit blog, mes longs écrits et ma bibliothèque bien remplie.
Chacun était devenu l'admirateur de sa propre exhibition, et celle-ci était devenue un élément indispensable à la réalisation de soi. D. De Vigan

Alors, en ce qui me concerne ? Quelle est ma réelle motivation pourriez-vous me demander. Parce qu'au final, je fais aussi mes montages de photos, je me donne du mal pour attirer l'œil et pour générer du trafic sur mon blog. Je fais aussi des clichés que je trouve "clichés" justement, de livres sur la plage avec chapeau et lunettes de soleil. J'aime l'idée qu'on apprécie ce que je fais. Je vois ce qui fonctionne et parfois, honte à moi, j'y cède. Les lois de la com' et du marketing m'ont en partie contaminée... Mais est-ce un besoin de célébrité, un besoin de reconnaissance ou un besoin de légitimité ? Je travaille ardemment sur cette question, croyez-moi. Je suis sur la bonne voie de la réponse :
Je me nourris de ce que je lis et de ce que j'écris, je tâche d'en faire quelque chose, tant pour moi que pour les autres, mais on n'oblige pas un âne qui n'a pas soif à boire. D'ailleurs, ce qui vaut pour moi vaut également pour les autres : si vous aimez vous filmer, soit. Mais interrogez-vous d'abord sur ce qui motive ce choix : veux-je être (re)connue en tant que lecteur ou en tant que star du web ? Pour ma part, je préfère mettre l'œuvre au centre, je n'en suis que son "véhicule": je ne suis pas le sujet de mes retours de lecture, je préfère me considérer comme un mélange de porte-parole, de promoteur, et parfois même de défenseur des lettres, des mots, des livres...
Belles lectures à tous...