top of page

De toute façon, moi j’aime pas lire….

Cette affirmation est récurrente, régulièrement entendue. Et qu’est-ce qu’on en fait. ? Il est temps de l’interroger, non ?

En ce moment, je suis en plein travail sur moi, mes compétences et mes capacités, mes passions, mes motivations et mon « déjà-là ».

Dans cette optique, je suis en train de revenir sur toutes les formations que j’ai eu l’occasion de suivre lors des dernières années. Cela me permet de réactiver des liens cognitifs et de me poser les bonnes questions quant à ma passion pour la lecture.

Je me dis, et j'accepte de me dire « moi j’aime lire ». Je me nourris de lecture, je me détends avec la lecture, j’apprends avec la lecture, je voyage avec la lecture, je m’endors aussi avec la lecture.

Le matin, je me réveille également avec elle. Pour de vrai, si je n’ai pas ma demi-heure de bouquinerie avec mon café au saut du lit, pas la peine de me parler de la journée, je n’ai pas eu ma morning routine et je ne serai pas réveillée, pas opérationnelle du tout.


Bref, revenons-en au sujet qui nous intéresse : « je n’aime pas lire ». Vous l’avez compris, ce n’est pas ce que je dis, c’est ce que j’entends. Souvent. Très souvent même puisque je vis dans une maison avec trois hommes qui disent ne pas aimer ça.

Jusqu’à maintenant, sans dire que j’étais dans la résignation, je dirais que j’étais du moins dans l’acceptation. Après tout, je n’aime pas, de mon côté, le jardinage…

Mais posons-nous deux secondes pour interroger cet état de fait. Qu’est ce qui fait que l’on aime ou pas ? est-on conditionné ? est-ce une fatalité ? j’ai du mal à me résoudre à ça. Et puis il y a des contre-exemples : je n’aimais pas le céleri avant d’être enceinte, et maintenant j’aime ça…


Dans la démarche d’explicitation, où il s’agit d’accompagner l’autre dans la compréhension de lui et le découpage de ses actes en compétences, on aborde la question de la croyance limitante mais aussi des équivalences complexes. Et je pense que pour certains, ce jugement d’équivalences en ce qui concerne la lecture est parfaitement adapté.

Jugez un peu : on a déjà vu dans d’autres articles l’importance et le poids que peut avoir l’école sur notre goût de la lecture et l'importance du lien affectif qui nous unit à une personne. Si je me souviens bien, le fait de ne pas avoir aimé ma prof de maths en sixième m’a fâché avec cette matière. Et l’année d’après, j’appréciais mon enseignante, du coup je me suis donnée plus de mal (toute ma scolarité a été une alternance de j’aime/ je n’aime pas les maths…).


Il en va de même pour le goût des livres.

Vous souvenez-vous d’un livre que vous avez dû lire dans le cadre d’un cours de Français ? Personnellement, je me souviens de Marcel Pagnol en 6ème, de Robert Merle et de François Mauriac en 3ème, de Baudelaire en 2nde, de Rousseau en 1ère (Littéraire)… je me souviens aussi de chacun de mes profs de Français, de ceux qui m’ont donné le goût et par-dessus tout, qui ont donné du sens à ce que je devais lire. Qui ont su expliquer pourquoi il était important de se fader « Les Confessions » ou « Les fleurs du mal », alors que ce n’est pas toujours ce qui est le plus intéressant… mais je me souviens aussi, en lien avec ce que je viens de relire dans mes notes sur l’explicitation que certains professeurs interrogeaient les émotions, acceptaient les réponses et tentaient de proposer des alternatives (OK, je me souviens surtout de mon prof de 3ème) …



 

Lorsque j’étais formatrice en enseignement général avec des jeunes en (grande) difficulté, j’avais tenté l’expérience et ce n’est que maintenant que je m’en rends compte (la magie de la réflexion arborescente qui permet de faire des liens tout le temps).

Tous les ados du groupe avaient la même idée de la lecture : c’est chiant, c’est pour l’école, c’est mou, ça ne sert à rien. Je leur ai demandé à chacun de me donner le titre d’un film ou d’une série qu’ils aimaient. Ils ont dû me raconter de quoi ça parlait et me dire surtout pourquoi ils aimaient ce programme. J’ai noté, interrogé, questionné. J’ai aussi beaucoup appris car à l’époque, je ne regardais pas du tout la télé. En face de chaque jeune, de chaque film ou série, j’ai mis un livre, ou plutôt une fiche avec un résumé. Et je leur ai raconté l’histoire. Avec la même passion qu’ils avaient parfois mise à me raconter leur film. Et des non-lecteurs sont devenus lecteurs, parfois même assidus. Cela n’a pas fonctionné avec tous, mais avec certains, oui, au-delà même de mes attentes.


Pourquoi je vous raconte cela ?

A quelqu’un qui dit « de toute façon, moi je n’aime pas lire », que peut-on opposer ? la réponse c’est RIEN. Parce qu’il ne s’agit pas d’opposer et donc d’imposer, mais bien d’interroger. Qu’est-ce que lire pour toi ? qu’est-ce que cela représente pour toi ? qu’est-ce qui fait que tu pourrais aimer lire ?

En faisant émerger les représentations, on a la possibilité de lever les freins. En sachant ce qui bloque, on peut débloquer, ou plutôt accompagner l’élève, le bénéficiaire à trouver le bon outil, le bon livre du coup, qui ouvrira la porte à tous les autres ! Questionner sans juger, questionner pour comprendre, le faire parler pour qu’il puisse conscientiser l’obstacle et relever le défi.

Interroger ce qu’il aime, ce qu’il ressent, en l’acceptant et en s’adaptant.


Et puis. Et puis ne pas le laisser comme ça tout seul avec sa réponse. Lui proposer quelque chose. Fixer avec lui un ou des objectifs. L’accompagner dans l’atteinte de ce but, le rendre acteur de sa démarche, de sa lecture, de son succès. Et le valoriser…


Quelle drôle d’idée d’imposer certains romans à des jeunes en ne s’intéressant pas à ce qui leur plait ? aujourd’hui, je suis sûre que beaucoup serait prêts à dévorer « Le joueur d’échecs » de Zweig, ou les romans de Maurice Leblanc vu les succès du « Jeu de la Dame » et de « Lupin »sur Netflix !

Pensez-y, décideurs des programmes de Français : intéressez-vous à vos élèves, adaptez-vous à eux et ne leur demandez pas systématiquement de se conformer à vous. Au jeu de la confrontation, nous perdrons de toute façon. Écoute bienveillante, acceptation et adaptation, voilà la clé d’une collaboration fructueuse... élémentaire !



"Laissé pour compte de l'école, (l'élève) se croit très vite un paria de la lecture. Il s'imagine que "lire" est en soi un acte élitaire, et se prive de livres sa vie durant pour n'avoir pas su en parler quand on le lui demandait". Daniel Pennac


71 vues0 commentaire

Posts similaires

Voir tout

Kommentare


bottom of page