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Enfant de Salaud

Sorj Chalandon


Après la claque reçue par “Le Quatrième mur” il y a quelques semaines et sans trop me forcer, j’ai plongé tête baissée dans ce dernier roman de l’ancien journaliste de Libération, publié à l’occasion de la rentrée littéraire 2021 et en lice pour le Goncourt cette année.


1987. Le reporter est envoyé à Lyon pour couvrir le procès de Klaus Barbie, jugé pour crime contre l’humanité, notamment à cause de la rafle des enfants d’Izieu. A cette occasion, il se remémore ce que lui avait dit son grand-père : qu’il était un enfant de salaud, le fils d’un homme qui, lors de la seconde guerre mondiale, avait choisi le mauvais côté. Sorj décide donc de mobiliser son réseau pour obtenir le dossier de son père, condamné en 1945 à un an de prison pour ses actes “contre” la France. Dès lors, l’écrivain alterne entre ce qu’il découvre de la guerre de son père et ce qu’il se passe dans le tribunal des Assises de Lyon. Ce sont deux procès, deux réalités, deux confrontations, deux souffrances. Un pays contre un bourreau. Un fils contre son père.


« Honorer Lise m’obligeait à faire une pause avec ta propre histoire. Silence dans ma tête pour recueillir son témoignage. Silence dans mon cœur pour l’accueillir ».

De page en page, on se remémore nos cours d’Histoire, et on en apprend. Tout comme l’auteur tombe des nues au fur et à mesure qu’il est confronté au passé trouble de son père, le lecteur (re) découvre des aspects de cette période tous plus terribles les uns que les autres. Les épurations, les actes de tortures, les rafles. Mais aussi les traitrises des uns et la bravoure des autres. Les différents moyens de protéger ou de nuire à la France. Les mensonges, les retournements, les mythes, les horreurs. On souffre avec le narrateur : cet homme qu’il espère pas si salaud que ça va peut-être profiter de ce procès pour s’ouvrir, pour être enfin honnête, aimer et faire confiance à son fils unique. Mais non. C’est à la fois en tant qu’adulte journaliste et qu’enfant que Sorj est malmené par le passé : celui de son père, celui de son pays, le sien propre.

Au-delà de la dénonciation des mensonges de l’homme, c’est l’indignité du père. C’est une souffrance de fils.


C’est terrible de justesse et d’émotions. C’est un livre à lire, et ce devrait aussi être une invitation à parler, tant qu’il est encore temps, avec les nôtres qui ont (sur)vécu à cette période terrible, pour savoir et se souvenir.


« Ce soir, il n’y aurait pas de mots entre toi et moi. L’héroïsme de cette mère t’avait commandé le silence. Et la bravoure de ce fils me donnerait le courage de t’affronter ».

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