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Fleur de Neige

Lisa See

« C’est seulement à travers la douleur qu’on acquiert à la beauté - et à travers la souffrance qu’on atteint la paix. »

Le récit de Fleur de Lis commence alors qu’elle est déjà une vieille femme, d’environ 80 ans. A l’heure où la mort s’apprête à la cueillir, elle décide de raconter son histoire et celle de son âme sœur, sa Laotong, Fleur de Neige.

Dans la Chine de 1823, les deux petites filles naissent le même jour, à la même heure. Alors que le bandage de leurs pieds doit débuter, une entremetteuse parvient à convaincre les familles des deux fillettes de les unir l’une à l’autre. Ce lien, formalisé par un contrat rédigé à quatre mains, est plus sacré, plus fort que le lien marital. Les Laotong sont inséparables. Et effectivement, les deux enfants vont s’aimer mutuellement au-delà de tout : la souffrance du bandage de leurs pieds, la souffrance du deuil, la souffrance du mariage et de l’enfantement, la souffrance de la pauvreté de l’une et de l'opulence de l’autre.

Les années passent, les épreuves de la vie aussi. Fleur de Lis et Fleur de Neige ne connaissent pas le même destin mais restent liées l’une à l’autre, défiant parfois l’autorité et les conventions pour être ensemble.

Dans cette contrée, celle des Yao, où les filles ne sont que des bouches en plus à nourrir, où les femmes n’ont pas d’autre rôle que de donner la vie à des garçons, elles vont apprendre à devenir des maîtresses de maison accomplies, à respecter les protocoles et à faire ce qu’on attend d’elles, au péril de leur santé et de leur bonheur. Au péril même de leur lien si fort.


« La vie n’existe pas sans la mort. Tel est le véritable sens du Yin et du Yang.»

C’est par un challenge m’invitant à lire un livre dont le titre évoque le froid que j’ai retrouvé ce roman qui doit être dans ma bibliothèque depuis bien longtemps et que j’avais complètement oublié.

Je me suis plongée dedans sans m’attendre à rien et j’ai été surprise de m’être laissée happer par ces traditions chinoises vieilles de deux siècles. Comme dans d’autres romans lus récemment sur les Histoires et les coutumes de pays lointains (Kukum, La bâtarde d'Istanbul, Là où brillent les étoiles,...) ce n’est pas tant l’intrigue que les traditions qui m’ont subjuguée.

Dans la province du Guangxi, où j’ai eu la chance d’aller il y a maintenant six ans, la condition de la femme était toute en contradiction et en contraintes. Du bandage des pieds des fillettes à l’âge de six ou sept ans aux mariages arrangés, les grossesses à répétition, les corvées, les honneurs... C’est une alternance ambigüe : la fille n’est-elle pas aimée ? Si, elle l’est, mais il ne faut ni le dire, ni le montrer. La femme n’a-t-elle pas de pouvoir ? Si, elle en a, mais pas avant d’avoir accompli son devoir. "Obéis, obéis, obéis et plus tard, tu feras ce qu'il te plaît” c’est l’adage qui porte toutes les gamines. Obéir à ses parents, obéir à son mari, obéir à sa belle-famille et leur survivre, à tous, pour enfin régner sur la maison.


« Ceux qui prétendent que les femmes n’ont aucune influence sur les décisions des hommes se trompent lourdement. »

Ce roman est aussi une ode à la capacité qu'ont les femmes à s’adapter et à survivre à des conditions de vie particulièrement difficiles, tout en trouvant le moyen de développer une langue et une écriture qui leur permettait de communiquer entre elles, sans la censure des hommes. C’est grâce au Nushu, cette calligraphie secrète, qu’elles ont laissé des traces de ce qu’elles ont vécu et supporté, qu’elles arrivaient à s’entraider les unes les autres et que nous avons aujourd’hui un aperçu de leur quotidien et de leurs supplices.

Cette lecture, facile à certains égards, a été plus compliquée à encaisser à d’autres car elle met en lumières les grandes difficultés des femmes dans la Chine du XIXème siècle, le peu de considération portée aux petites filles et aux garçons de faible consistance, la souffrance à l’état pur et le courage le plus coriace.

Qui oserait encore qualifier le féminin comme le sexe faible après une lecture comme celle-ci ?

Une très belle découverte, qui m'a encore appris énormément sur un autre temps, un autre lieu, une autre culture...


« …il est malaisé de témoigner d’une véritable générosité lorsqu’on n’y est pas naturellement enclin.»
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