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Geronimo et moi

Lilian Bathelot

« La première abjection, mère de toutes les autres, est de ne pas s’appartenir à soi-même, de devoir obéir à un maître. »

Anceline, 14 ans, est bonne dans un troquet parisien, victime des assauts de son patron d’abord, puis des clients de celui-ci. Dans le Paris de 1865, elle n’est rien qu’un jouet aux mains des hommes. Jusqu’à ce qu’elle surprenne une conversation lors de laquelle on parle d’elle comme d’une marchandise. Elle se décide alors à ne pas se laisser faire, à ne pas se laisser vendre ou acheter, et de mener l’enquête sur celui qui semble être à la tête d’un trafic de femmes, Milord. 

En danger, elle se doit de fuir, et c’est grâce à ses amies récemment rencontrées qu’elle y parvient, alors que l’orage de la Commune commence à se faire entendre. Entourée, soutenue, instruite et encouragée, elle continue, tant que faire se peut, son travail d’investigation en même temps qu’elle intègre le mouvement révolutionnaire auprès de Jules Vallès et Louise Michel. Elle devient Francine Vay et écrit sur la condition de la femme dans Le Cri du Peuple, journal Communard. 

Mais les évenements prennent une tournure tragique qui oblige la jeune femme à fuir Paris, rejoindre le Havre où elle embarque en direction des Etats-Unis avec son ami et amant Victor. S’ensuit un périple vers la Californie où les anciens révolutionnaires envisagent de reconstruire leur vie, mais de nouveau, le malheur frappe. Francine n’arrivera jamais en Californie, mais fera la connaissance du grand Geronimo, avec lequel elle s’engagera dans la lutte des Apaches contre les blancs, reprenant ainsi les armes pour défendre les opprimés, n’oubliant jamais par ailleurs les femmes de Paris, vendues, prostituées, tuées peut-être. 

Tout le long de son journal, elle revient sur sa vie, son parcours, ses souffrances, ses combats, ici et là-bas. Ses convictions qui l’ont portée d’un continent à un autre, arborant toujours ses valeurs de féminisme et d’égalité, sa soif de justice et de vengeance.


« il me vient des élans de tendresse pour la jeune écorchée un peu trop romantique (…). Je veux rester fidèle à cette jeune femme. C’est elle qui m'a faite. »

Plusieurs constats à la fin de la lecture de ce roman absolument passionnant. Outre la plume fluide de l’auteur qui prend ici la voix d’une femme partie de rien mais habitée par une soif de s’en sortir sans limite, dans une société où elle n’est rien d’autre qu’une fille, il y a aussi ce parallèle audacieux, incongru et néanmoins très juste entre le combat des Communards et celui des Indiens d’Amérique. Quand on se plonge dans le roman, on se demande comment, par cette alternance de temporalité, Francine va faire le lien entre ce qu’elle a vécu à Paris et Géronimo. On la suit dans sa fuite, dans son exil forcé, dans son voyage à travers l’Atlantique, à son arrivée à la Nouvelle Orléans et son périple à travers les terres américaines. 

Et puis arrivent les Indiens. Et puis arrive une réflexion sur ce pour quoi ils se battent et ce qui les rapprochent, ce qui les rassemblent. Francine n’est pas n’importe qui, elle est une femme forte et intelligente, pugnace et courageuse, des qualités qui sont appréciées, recherchées par les Apaches. Et elle a un don, puissant et capricieux, qui la rend encore plus précieuse que ce qu’elle pourrait croire, même si elle est consciente de ce qu’elle lui doit. 

Bref, le lien est hasardeux entre la Commune de Paris, la condition des femmes à la fin du XIXème siècle et le combat des natifs pour conserver leurs territoires aux Etats-Unis mais Lilian Bathelot a trouvé ce lien et l’a révélé, a tissé autour pour en faire une aventure haletante, un roman impossible à lâcher sur un destin hors du commun. 

Un livre à lire pour en apprendre davantage sur bien des sujets, s’ouvrir à de nouvelles connaissances, faire de grandes rencontres et continuer de se battre pour des causes justes, qui ont malheureusement toujours besoin qu’on soit alerte, 150 ans plus tard.


« ces Indiens là ne manquent pas de bonnes raisons de combattre, aussi valables que celles que nous avions en défendant notre Commune. A cela près que nous défendions, nous, des rêves (…) et que les Indiens, ici, combattent pour défendre leur liberté…. »

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