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Gloria, Gloria

Grégory Le Floch


La rentrée littéraire de janvier commence. C’est à l’occasion d’une rencontre professionnelle que j’ai entendu parler de ce court roman dont le sujet m’a interpellée.


« Les plaisirs naissant de la patience, les raffinements de la lenteur. »

La narratrice, jeune femme de 30 ans, débarque sur l’île d’Elbe. A peine arrivée, elle se rend sur une plage en contrebas d’une falaise, près d’une grotte, et sort le carnet de son grand-père. Celui dont sa mère disait qu’il était un ange. Celui qui, a 20 ans, nourrissait un amour semblable à du fétichisme pour les personnes âgées. Très âgées.

Dans ce carnet, le grand-père raconte. Il raconte Carmela, il raconte Marcello, il raconte le désir, le plaisir, le sexe, l’assouvissement, l’attrait particulier pour les très vieilles personnes… Mais il raconte aussi son dégoût pour la mort, son exil forcé, sa fuite dans la grotte de Zanca, pendant sept long mois.

Sa petite fille vient dans cet endroit pour faire la paix avec cet aïeul qui l’a, dans un premier temps, dégoûtée. Elle veut découvrir ce qu’il a vécu, dans cette enclave, sur cette île. Elle veut le trouver, et se retrouver elle aussi.

Elle partage avec nous ses découvertes sur les grottes, sur les ermites, sur la sainteté, sur la vieillesse. Sa fascination non avouée pour deux femmes - Maria Rosa, 69 ans et Gloria, 75 ans. Elle s'émerveille avec chacune d’entre elles les levers et les couchers de soleil.

Elle en apprend plus sur la vieillesse, sur le suicide, sur la sexualité, sur son grand-père et sur elle-même, bien sûr. Elle laisse la parole à d’autres aussi, et cela permet au lecteur de prendre conscience que le grand âge est un âge, qu’il n’est pas une fin en soi. Qu’il y a du beau, quel que soit le stade de vie dans lequel on se trouve.


« J’ai plusieurs fois rencontré la mort avec mes compagnons. En me voyant, elle me bâillonne et me fait sa complice. »

J’ai été désarçonnée par cette lecture. Très poétique, certes, mais décousue. Un peu métaphysique, un peu brouillon. J’ai eu du mal à trouver du sens au récit de la narratrice. Et puis j’ai arrêté de chercher et je me suis apaisée. J’ai simplement joui de ce récit et de sa profondeur. J’ai pensé aux personnes âgées en général, à mes grands-parents en particulier. Je me suis remémoré ce que l’auteur avait lui-même dit sur la représentation de la vieillesse dans la société: on pense à notre mort, pas à notre sénilité. Le troisième âge fait peur car on se dit que c’est la fin, alors qu’il ne marque finalement qu’un recommencement. La boucle est bouclée.

A 69, 75, 80 ou 90 ans, on a toujours besoin d’amour et de sensualité.

A 69, 75, 80 ou 90 ans, on est toujours un être humain, sexué.

Le rapport à la sexualité des personnes très âgées est effectivement différent de celui des jeunots de 20 ans. Mais il n’en est pas pour autant inexistant. Et lui mettre un voile pour le cacher ne l’empêche pas d’exister.

Autant j’ai été mal à l’aise avec la vieillesse de Hutzinger dans Un chien à ma table, autant j’ai été séduite, finalement, par le portrait émouvant et amoureux de ces petits vieux. Quelques formulations et digressions ont failli me perdre, m’ont quelque peu agacée même, je dois dire, un peu comme dans L’amour harcelant ou Poupée volée de Ferrante. Mais le lâcher prise, l’accueil inconditionnel du récit, de Carmella, de Marcello, du jeune homme qu’a été le grand-père et de tous les autres personnages m’ont permis d’être - en fin de compte - disponible pour l’harmonie des rapports, la puissance de l’amour et la beauté de l’âge.


« … ma vieillesse sera une aube comme l’aube de ce matin »

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