Maggie O'Farrell
« Ne jamais tenir pour acquis que le cœur de vos enfants bat (...). Ne jamais, pas même un instant, oublier qu'ils peuvent partir, vous être enlevés, comme ça, être emportés par le vent … »
L’action se déroule au XVIème siècle, en Grande-Bretagne. Un petit garçon découvre que sa jumelle est malade, très malade. Il part à la recherche de sa mère, de sa sœur aînée, de sa grand-mère. Quelqu’un qui puisse l’aider, guérir cette moitié de lui. Il ne trouve personne. Son père est à Londres, le médecin n’est pas chez lui. Pendant que l’enfant parcourt le village à la recherche d’une aide, quelle qu’elle soit, la mère s’occupe de ses plantes, de ses abeilles. Elle ignore tout de ce qu’il se passe chez elle. Elle prépare onguents et remèdes pour les voisins et amis qui la consultent. Elle est guérisseuse, sorcière disent certains, manipulatrice disent d’autres. Elle s’est mariée au fils du gantier, est sortie de sa ferme et de la misère familiale dans laquelle elle évoluait. En parallèle de la quête du petit garçon, on découvre ce qu’a été son chemin de vie à elle, son frère. On apprend aussi ce qu’a été la vie du fils du gantier, celui qui était lettré et qui s’est trouvé obligé de donner des leçons dans une ferme. Qui est tombé amoureux de cette jeune femme mystérieuse. Qui a tout fait pour l’épouser, malgré leur différence d’âge et l'opprobre qui pesait sur ses épaules à elle.
De cet amour sincère et profond naissent trois enfants : Susannah puis les jumeaux. Le père/ mari/ fils, suivant qui se souvient, part pour Londres où il découvre le théâtre, loin des siens. Loin du drame. Parce que la maladie est bien là, et le petit garçon a fini par trouver l’aide de sa mère. Mais la mort a décidé de passer par là, quoi qu’il arrive, et d’emporter son dû. Elle prendra un enfant. Elle se moquera du chagrin d’une mère, d’une famille.
La vie doit continuer mais elle n’est plus la même. La mort, la mère, tous se sont faits avoir par la pugnacité et l’amour de ce petit garçon qui voulait sauver sa jumelle, quoi qu’il lui en coûte.
« Comment le Destin avait-il pu lui tendre un piège aussi cruel ? Lui faire porter toute son attention sur un enfant qui n'était pas le bon pour pouvoir mieux lui rafler l'autre, tandis qu'elle avait le dos tourné ? »
Ce roman est particulier. Entre anonymat et désignation. On sent dès le départ qu’un drame est inévitable, et on sent également, au fond de nos tripes, qu'on connaît ce drame, celui qui en est frappé, mais de manière lointaine. Tout transpire le “déjà-vu”, mais on veut savoir, on veut avoir la confirmation. Ce titre, en soi, est un indice, mais les 250 premières pages nous laissent dans le flou. J’aurais pu rester dans ce flou si je n’avais pas arrêté ma lecture pour chercher confirmation de mes soupçons.
Mais qu’importe. Ce récit, mêlant fiction et réalité est avant tout l’histoire d’une femme, Agnes. De ce qu’elle a fait, combattu, enduré, supporté, par amour pour les siens. Son frère, sa mère décédée, son mari ensuite puis ses enfants. Son chagrin est sans limite, sa confiance en elle est attaquée, comment survivre à l’un de ses enfants. Comment gérer le deuil ? Comment accepter que son époux, loin à Londres, ne vive pas son chagrin de la même manière, qu’il continue à vivre, à jouer, à travailler.
ça aura été une lecture parfois difficile mais ou parce que intense en émotions. L’étonnement, la peur, la joie, l’amour. Chaque mot porte son lot de sentiments. Chaque page est témoin de la dure vie d’Agnes, de son courage, de sa pugnacité. C’est un hommage magnifique à une femme forte et courageuse, oubliée de la postérité, rayée, invisible et pourtant essentielle. Elle a fait de son mari ce qu’il est devenu… Rien que pour ça, elle mérite la reconnaissance et l’admiration de tous.
« Vivant et mort à la fois. Son mari l’a ramené à la vie, de la seule manière qu’il pouvait (...) Agnes voit que son mari, en écrivant ces mots, en s'attribuant le rôle du fantôme, a pris la place de… »
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