Colson Whitehead
« Au besoin, le monde peut se transformer en salle de classe. »
Harlem, 1959… Ray Carney, vendeur de meubles de son état, est aussi le fils d’un malfrat bien connu dans le quartier, aujourd’hui disparu. Le jeune homme, devenu mari et père de famille, tient un magasin qu’il tente tant bien que mal de faire survivre. Ecrasé par le snobisme de sa belle-famille et les magouilles de son cousin Freddie, il tente de rester dans le droit chemin, malgré les tentations.
Petit à petit, son commerce va devenir un lieu à la fois respectable et louche. Il s’y trame des affaires, pas toujours très légales, mais Ray réussit à mettre ses deux personnalités (la légale et l’illégale) chacune dans une case, bien distinctes.
En 1959 d’abord le casse des coffres de l’Hotel Theresa lui permet de se faire un petit nom, à part des gros caïds, mais reconnaissable tout de même grâce à la discrétion dont il fait preuve.
En 1961, il laisse libre cours à son envie de vengeance et réussit à faire tomber ceux-là même qui lui ont refusé la reconnaissance à laquelle il aspirait.
En 1964, les frasques de son cousin lui causent encore bien des soucis, et nouvelle fois, il va devoir passer derrière lui et tout risquer : sa famille, son commerce, sa respectabilité.
Notre héros, qui voulait absolument sortir de l’ombre crapuleuse de son père doit pourtant, de temps en temps sortir de la lumière.
« Lorsqu’on vous aide sans le vouloir, on vous aide quand même. »
À New York, à la fin des années 50 et au début des années 60, il était difficile pour les noirs d’être respectés, acceptés, reconnus malgré tous leurs efforts. Une réalité qu’on a tendance à oublier, puisqu’alors que les lois Jim Crow sévissaient dans le Sud, on garde du Nord des Etats-Unis une vision utopique.
Colson Whitehead nous confronte une nouvelle fois à la difficulté d’être noir dans ce pays en général, à New-York en particulier. Sortie de Harlem, la communauté n’a pas sa place, elle doit se protéger, se battre même parfois. La criminalité était à son comble, les émeutes se multipliaient déjà pour manifester contre l’injustice : quand un gamin noir se fait tuer par un flic blanc, qui est coupable ? On ne se pose pas la question (normalement) aujourd’hui, mais à ce moment-là, non plus. Et le policier était relaxé par la justice.
Je ne suis pas friande des histoires de gangsters et de magouilles du genre de Harlem Shuffle. Il y a eu bien des moments où, je l’admets, je me suis ennuyée. Je n’ai pas ressenti l’engouement et les émotions provoquées par Underground Railroad.
Mais ce n’est pas pour autant un bilan négatif que je tire de cette lecture. J’ai beaucoup appris sur l’Histoire de New-York et de Harlem, sur la transformation de la ville, les conflits pour l’acquisition des terrains et la construction des buildings, la métamorphose de la métropole et ses conséquences sur les populations. J’ai aussi été immergée dans une communauté, dans son quotidien et ses galères, ses sources de joies, de tristesses, ses combats…
« Un truc que j’ai appris dans le métier, c’est que la vie ne vaut pas grand chose, et qu’elle vaut de moins en moins à mesure que les enjeux augmentent. »
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