top of page

Je remercie la nuit

Véronique Tadjo

« Les scientifiques comme les écrivains cherchent à changer le monde.  Bref, ils veulent s’impliquer dans le destin des hommes. »

Automne 2010. La Côte d’Ivoire est dans l’entre-deux tours des élections présidentielles. La tension est palpable partout dans le pays et particulièrement à Abdijan où Flora et Yasmina partagent une chambre à l’université. Les deux jeunes femmes tentent de se concentrer sur leurs études mais la réalité les rattrape et les submerge. En décembre, le conflit éclate réellement quand un résultat de scrutin est donné puis nié le lendemain. 

Une crise politique extrêmement brutale explose et touche toutes les strates de la population. Yasmina s’engage dans une association pour la paix et engage Flora à la rejoindre. Mais la violence frappe, Yasmina doit rentrer dans son village, meurtrie, tandis que Flora, prise d’inspiration, s’attire les foudres à cause d’un post sur Facebook. Elle se sauve en Afrique du Sud, alourdie par ses erreurs, ses choix (et leurs conséquences) et la tristesse de quitter ceux qu’elle aime. 

A Johannesburg, la jeune fille est bien accueillie : un travail, un logement, des amis. Elle tente de garder le contact avec la Côte d’Ivoire et ses proches mais le lien se distend de plus en plus. Petit à petit, elle ouvre les yeux sur une autre réalité que la sienne. A l’abri, elle regarde avec plus de recul la situation de son pays d’origine et se rend compte de ce qu’a traversé son pays d’adoption. Parce que plus le temps passe et plus il paraît évident que Flora ne rentrera pas à Abidjan. Alors autant s’intéresser vraiment aux plaies et aux souffrances de l’Afrique du Sud, meurtrie par l’Apartheid, par la chasse aux étrangers de 2008 et la mort de Nelson Mandela, symbole vivant de l’unité du Pays en 2013. 

Flora réalise que la souffrance des jeunes est partout, tout comme leur détermination à faire bouger les lignes, à faire avancer les choses, à gagner les combats pour l’égalité et l’équité. En français, en anglais, en zoulou ou en afrikaan, le monde changera grâce à cette jeunesse qui ne veut plus de l’immobilisme et de la mainmise des décideurs et des gouvernements. 


« … elle se rendit compte qu’elle était morte et qu’elle ne l’avait pas su. »

Parti de Côte d’Ivoire pour arriver en Afrique du Sud, ce roman est somme toute très universel et ne concerne pas que l’Afrique. L’auteure, qui a grandi à Abidjan, est bien au fait des événements de 2010 et 2011, comme elle est documentée sur les crises traversées par l’Afrique du Sud malgré la fin de l’Apartheid et l’aura de Mandela sur ce pays emblématique. 

Tadjo souligne aussi, dans ces pages et à travers le personnage de Flora, deux autres points importants. Le premier est que beaucoup de crises ne traversent pas les frontières et sont méconnues au niveau international. Pour celui qui ne s’intéresse pas outre mesure à la géopolitique, il est facile de passer à côté de faits qui sont pourtant très importants pour ceux qui les vivent. J’ai d’ailleurs appris beaucoup sur les deux pays concernés par ce roman, alors que je suis passionnée par l’Afrique. 

La seconde chose qui ressort avec force, c’est l’importance de la jeunesse et le rôle qui est et sera le sien dans les années à venir, grâce à l’éducation et malgré les nouvelles technologies. Ces dernières sont souvent sources de désinformation : via les réseaux sociaux, on ne montre que ce qui nous arrange et va dans notre sens.

Tadjo fait reposer beaucoup d’espoir sur la jeunesse qui ne se contente plus de suivre les traditions mais qui veut plus d’équité et de respect. Une jeunesse qui n’hésite pas à monter au front pour se faire entendre, quels que soient les moyens dont elle dispose. 

Même si la forme ne m’a pas convaincue, le fond de ce roman est passionnant et rempli d’espoir pour l’Afrique de demain. Accessible à tous (je pense à l’une de mes nièces qui trouverait ici de quoi alimenter son moulin de revendications), ce récit montre que rien n’est perdu pour ceux qui gardent en tête que leur combat est légitime et que leurs voix comptent. Reste à trouver la bonne forme pour être entendus… 


« ceux qui sont dans la bulle de l’internet pensent qu’ils font évoluer les choses parce que des images bougent sur la toile. Mais ce n’est pas le vrai feu qui brûle à l’extérieur… »

Posts similaires

Voir tout

Comments


bottom of page