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Joseph

Marie-Hélène Lafon

On se dépêche, on se dépêche. On enquille les courts-romans pour dénicher des traits particuliers, un style, une approche propre à un auteur.


« Les gens et les bêtes mouraient mais pas les prés, pas les terres, pas la rivière, tout se conservait et il avait beaucoup à penser».

Joseph est ouvrier agricole. Il n’a rien. Rien d’autre qu’un passé, une histoire, un frère jumeau quelque part en Normandie (décidément) et sa mémoire. Il est bien chez ses nouveaux patrons, un couple propriétaire d’une belle exploitation, qui le traitent correctement. Et pourtant, Joseph en a connu des malheurs. Depuis tout petit à l’école, puis quand il a rencontré Sylvie, celle qui a provoqué la chute dans le trou sans fond de l’alcool, un trou d’où il a mis presque 15 ans (et trois cures) à sortir. Il a vu les gens mourir, les gens partir, les gens travailler, les gens s’aimer. Et il fait son petit bonhomme de chemin, sans faire trop de bruit, le plus discrètement possible, le plus efficacement aussi.


« Il avait appris à se méfier des gens que les bêtes craignaient, les brutaux et les sournois, qui cognent sur les animaux par-derrière et leur font des grimaces devant les patrons ».

Il y a peu d’espace dans cette écriture, comme il y a peu de blancs dans la tête de cet homme qui a tant vu, tant vécu, tant souffert, toujours beaucoup plus pour les autres que pour lui-même. Il ets l’éternel second, celui qui s’occupe mais dont on ne s’occupe pas vraiment, sauf les nouveaux patrons, qui l’aiment bien sans le lui dire. Qui l’aident à se projeter, à s’organiser pour la suite de cette vie qu’il saura triste et solitaire.

Marie-Hélène Lafon connaît et aime le Cantal, mais elle comprend aussi ceux qui ne le comprennent pas, ceux qui ne l’aiment pas, ceux qui le quittent. Elle a une manière brute, incisive de parler des travaux de la ferme et de ceux qui y évoluent. Elle connaît les pièges de la vie en milieu rural, fermé, un milieu que l’on aime ou que l’on quitte. A moins qu’on ne manque de volonté ou d’ambition et qu’on le subisse, comme Joseph.


« Joseph ne s'ennuyait pas, il laissait passer de gros morceaux de temps ».

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