Allison Hoover Bartlett
« Un livre est bien plus qu'un simple véhicule pour son contenu »
C’est un livre qui errait dans ma bibliothèque depuis pas mal de temps et que je me plaisais à observer, me demandant si cet homme, sur la couverture, aimait autant les livres que moi… force a été de constater que oui, mais pas de la même manière.
« Les livres en disent long sur votre personnalité. »
Début des années 2000, l’auteure est déjà journaliste à San Francisco. Elle a sur son bureau un très vieil ouvrage d’herboristerie, datant de 1630. C'est un livre qui lui a été prêté et qui vaut une petite fortune. Elle s’en rend compte en consultant des professionnels, libraires spécialisés dans les livres rares et anciens. Grâce au Kräuterbuch, elle va plonger dans l’univers des collectionneurs d’ouvrages ayant, pour certains, une valeur pécuniaire inestimable. C’est au fil de ses rencontres qu’elle entend parler de John Gilkey. Ce dernier, désargenté, avait comme objectif de se constituer une collection prestigieuse. Mais sans argent, comment faire ? Persuadé qu’il ne faisait rien de si mal, il a commencé par faire des chèques en bois, puis à voler et utiliser des numéros de cartes de crédit, lui permettant ainsi de passer des commandes auprès des professionnels et de récupérer, presque impunément, son butin.
Au moment où Bartlett finissait son récit, Gilkey avait déjà purgé plusieurs peines de prison et avait subtilisé pour au moins 200 000 $ de livres anciens. Comment ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui poussait ce jeune homme à l’allure correcte, presque aristocratique, à se livrer à une telle activité ?
Rencontrant le voleur et ses victimes, la journaliste retrace ici le parcours du cadet d’une famille de huit enfants, passionné par les livres, non pas tant pour les histoires qu’ils renferment que pour ce qu’ils disent de ceux qui les possèdent. La bibliomanie comme signe extérieur de richesse et de prestige.
« On en apprend beaucoup sur une personne en regardant sa bibliothèque. »
Je m’étais déjà posé la question de la bibliomanie et de la bibliophilie, de ce besoin d’avoir toujours plus de livres dans nos bibliothèques, sans avoir la certitude de pouvoir tous les lire. Mes livres à moi ne valent pas des fortunes et je ne m’intéresse d’ailleurs pas tellement à cela, mais Gilkey, Sanders et les autres protagonistes de cette affaire dévoilent à la journaliste le business qui se cache derrière les livres rares et anciens. Au fil de son enquête, qui aura duré un peu plus de deux ans, elle rencontre de nombreux professionnels, fait la lumière sur des organisations qui permettent aux libraires de communiquer entre eux pour se prémunir contre ceux qui savent que certains ouvrages peuvent constituer de véritables trésors. John Gilkey avait compris cela, et d’autres avant lui, dont l’auteure a retrouvé la trace pendant ses investigations, nous permettant de comprendre que le vol de livres n’est pas un phénomène nouveau, que ce mal sévit depuis des siècles, car les ouvrages sont les gardiens du savoir, témoins d’époques et d'événements qui ont marqué l’Histoire. Rapport d’enquête écrit à la manière de LA Bibliotheque de Susan Orlean, ce récit nous éclaire sur la folie qui pousse certains à commettre le pire pour détenir certains livres. Mais Gilkey n’est pas un grand méchant, il est un homme passionné qui n’a pas les moyens de nourrir sa passion et qui trouve parfaitement normal de flouer les libraires, les forces de l’ordre et la société en général pour assouvir ses envies. Même poursuivi, même en conditionnelle, il ne peut s’empêcher de voler pour se constituer la bibliothèque de ses rêves, ravi de susciter l’intérêt de cette journaliste qui n’obtient pas forcément toutes les réponses qu’elle voudrait mais qui lui porte l’attention qu’il pense mériter par son ingéniosité.
De quoi déculpabiliser quand je vois tous les livres qui habillent les murs de ma bibliothèque : aucun n’a été volé, aucun d’a de grande valeur, si ce n’est celle que lui donne.
« Plus un collectionneur possède de livres, plus il en veut.[...] La collectionnite, c'est comme une fringale qu'aucun livre ne saurait rassasier. »
コメント