Grégoire Bouillier
« Mais rien ne se passe jamais idéalement dans la réalité et sûrement est-ce une chance pour l'humanité… »
Dimanche 30 septembre 1990. Grégoire fait la sieste en ce dimanche après-midi. A-t’il autre chose à faire ? Il reçoit un appel. C’est elle. Elle. Elle l’a quitté il y a quelques années, laissant derrière elle des miettes de cœur (qui a cédé) et un homme qui en est réduit à porter des sous-pull à col roulé. Un homme qui n’a pas changé l’ampoule grillée dans sa salle de bain depuis des mois. Un homme triste qui n’a encore rien écrit et qui galère dans sa vie comme au travail.
Bref, ELLE (et non pas M). Elle l’appelle pour lui proposer de venir à une fête en tant qu’invité mystère. Une artiste contemporaine aime célébrer son anniversaire en conviant autant de personnes que de bougies sur son gâteau et charge l’un des invités de trouver un inconnu. Ainsi, Elle ne l’appelle pas pour éclairer le passé, demander pardon ou donner des explications. Elle l’appelle pour lui demander un service.
Le soir dit, Grégoire se rend dans la proche banlieue et tient son rôle, emportant pour la reine du jour une bouteille de vin qui lui a coûté plus cher que son loyer mais tant pis. Il nourrit beaucoup d’espoir et en même temps… Et ce jour-là, effectivement, quelque chose va se passer dans la vie de Grégoire, quelque chose qui va le changer. Mais… je ne vous en dit pas plus, si ce n’est qu’on n’a pas fini de sourire.
« chacun son carcan, tout au long de notre existence nous ne cessons finalement de nous éloigner de nous-mêmes et de disparaître derrière ce qui nous nie… »
Il faudrait toujours lire les livres d’un auteur dans leur ordre de sortie. C’est plus facile de le dire une fois qu’on est tombé sur celui qui nous donne envie et qu’on reprend la bibliographie à rebours, mais le fait est que je regrette de ne pas avoir lu L’invité Mystère avant Le dossier M. Sincèrement, profondément. Bref.
Tous les ingrédients qui m’ont plu dans ce que j’ai lu auparavant sont là : un narrateur à l’imagination débordante, navigant entre la félicité et le désespoir, tirant la réalité par les cheveux pour y trouver des indices et des signes lui dictant la marche à suivre. De l’amour, beaucoup. De la tristesse. Mais aussi de la pugnacité, de l’humour et de l’espoir.
Des signes apparaissent, ici et là, qui renvoient indubitablement à ce que l’on a lu auparavant (mais qui ne gêne pas si on découvre Bouillier avec cet opus). J’ai souri beaucoup, j’ai été émue. Et par-dessus tout, j’ai été piquée dans ma curiosité, et c’est vraiment une chose que j’aime particulièrement dans les livres de Grégoire Bouillier : l’envie de creuser, de mener l’enquête, de me renseigner, et de lire (ici, Mrs Dalloway de Virginia Woolf).
Et puis, une lumière apportée sur une personne qui reviendra, qui apparaîtra de nouveau dans le Dossier M et que j’ai malmenée en esprit, peut-être à tort. Mais ce récit-là est aussi et surtout une autre preuve qu’en fonction du temps qui passe et des choses que l’on a vécu, les événements n’ont pas la même saveur (je ne peux pas parler d’odeur avec Bouillier qui n’a pas d’odorat) et la même profondeur. C’est le temps qui donne une autre perception aux choses et aux gens. Mais ce temps ne change pas ma fascination pour cet auteur qui manie avec brio l’art de raconter sa vie, qui n’est pas si différente de la nôtre, et de lui donner la valeur qu’elle mérite…
« l'important n'est pas de tout dire mais qu'à la fin tout soit dit »
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