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La disparition de Chandra Levy

Hélène Coutard

« Always have dreams, always make them reality.»

Mai 2001. Alors que son stage dans l’administration fédérale pénitentiaire prend subitement fin et qu’elle s’apprête à rentrer chez elle en Californie, Chandra Levy, 24 ans, disparaît sans laisser de trace. 

Maîtresse secrète d’un député démocrate, ambitieuse, la jeune femme fait alors l’objet d’une fascination morbide pour les médias qui voient en elle une nouvelle Monica Lewinsky. La police de la capitale, débordée, n'est pas aussi efficace que les journalistes qui eux, vont mettre à jour de nombreux éléments, salissant l’image de la victime mais également celle du politicien. Il faut bien remplir les pages, les émissions et nourrir la curiosité de l’américain moyen… 

Un an après la disparition, les restes de Chandra sont retrouvés dans un parc à proximité, relançant l’affaire qui avait été mise au second plan après le 11 septembre. Mais la Police de Washington n’est pas assez efficace, encore une fois. Des détectives privés vont faire la lumière sur des éléments essentiels de l’enquête, s’attirant les foudres des enquêteurs officiels mais qu’importe, seule la vérité compte.

Quelques années après, un homme est finalement arrêté puis jugé et condamné. Toute l’accusation repose sur le témoignage d’un codétenu, et ça suffit à convaincre le jury. Mais le doute subsiste toujours. Il y a des failles dans l’enquête, des failles dans l’instruction, des vices de procédures et des éléments qui font dire que finalement, tout ceci a peut-être été bâclé : il fallait en finir avec cette histoire de Chandra Levy et passer à autre chose…


« C'est quand l'amour frappe qu'elle ressemble de nouveau à ce qu'elle est : une jeune fille naïve de vingt ans. Les hommes dont elle tombe amoureuse, c'est l'angle mort de sa sagesse. »

Quatrième enquête 10-18/ Society que je lis (et que j’attendais avec impatience), je dois avouer que c’est celle qui m’a le moins emballée. Peu portée par la politique américaine, je suis - je pense - un peu trop en colère contre ce grand pays en ce moment pour être objective. Mais tout bien considéré, c’est aussi preuve que ce récit est bien écrit : il met en lumière de nouvelles incohérences et de nouvelles inepties dans le système américain : la surmédiatisation, la sexualisation, l’inégalité de traitement en fonction de la couleur de peau et des origines, les défaillances du système policier et judiciaire… 

Depuis mai 2001, 23 ans donc, des parents, une famille, se demandent ce qu’il est vraiment arrivé à Chandra qui avait la vie devant elle. Pendant 15 ans, ils ont navigué d’espoirs en déceptions, devant souvent subir les assauts et les accusations de la presse. Parce que c’est aussi de cela dont il s’agit : quand il n’y a pas de guerre ou de crise économique, il faut bien parler de quelque chose dans les journaux. Et en 2001, après la guerre du golfe et avant les attentats du 11 septembre, quelques temps après l’affaire Lewinsky, la disparition de cette jeune stagiaire, amante d’un politicien douteux, c’était du pain béni pour les journalistes en mal de sujets et en manque de compassion pour la famille et les proches. 

Plus ça va, moins j’aime ce pays, donneur de leçons qu’il ne suit pas. 

Pour ce qui est de l’écriture en elle-même, le traitement journalistique est pointu, fouillé et sérieux. Mais il m’a manqué un petit quelque chose que je viens juste d’identifier : l’émotion. Je ne l’ai pas ressentie comme dans Emmett Till ou Alice Crimmins. La distanciation est sans doute essentielle pour l’auteur mais le traitement de l’affaire m’a paru presque chirurgical, sauf à la toute fin. 

C’est ce qui est intéressant aussi dans cette collection : une affaire, un état, un journaliste, un traitement… différents à chaque fois mais pas moins édifiant


« Mais c'est aussi cela, un procès : un effet, une humeur organique à laquelle chacun des acteurs contribue, et qui peut s'évaporer en un instant. »

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