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La jurée

Claire Jehanno

« Il y avait une chance infime pour que ma vie se fende en deux. Elle m’est tombée dessus comme une pierre d’un immeuble délabré »

Nouvelle période, nouveau challenge, nouvelle auteure. Mesdames, Messieurs, voici Claire Jehanno et sa Jurée, un grand premier roman qui nous plonge dans les coulisses d’un procès d’assises.


« La mort est une traîtresse au parfum d’absence. »

La narratrice est une jeune prof. Convoquée pour être jurée dans un procès d’assises, elle se rend compte de l’opportunité que cette expérience représente pour elle. Voir, comprendre, être plongée dans la Justice. Il s’agit de décider de la culpabilité de Frédérique et Lucile, accusés d’avoir tué la grand-tante du jeune homme, avec préméditation. Depuis trois ans incarcérés en préventive, ils sont usés, fatigués. Ne revoient pas la meilleure image d’eux. Mais très rapidement, sans vraiment savoir pourquoi ni comment, Anna va se sentir proche de Lucile, en même temps qu’elle va ressentir un malaise lié à son histoire personnelle. En effet, lorsqu’elle était enfant, Aurore, la cousine d’Anna et de sa sœur Maxine a été enlevée et les enquêtes, instructions et pistes n’ont mené à rien. Vingt ans plus tard, on ignore toujours ce qu’il est arrivé à la petite fille.

« C'est le privilège des enfants. Ignorer la peine de ceux qui les élèvent. Ne leur accorder qu’une attention limitée.. »

Anna se rend tous les jours au tribunal, se lie avec certains jurés, se fige contre une autre, tout en se débattant avec ses idées, ses impressions, son intime conviction non seulement sur ce qu’elle est en train de juger mais également sur son passé, ce dont elle se souvient, croit se souvenir, ce qui lui revient et ce qui lui échappe encore.

Les audiences, les témoignages se succèdent et ébranlent chaque fois davantage l’édifice qu’Anna avait construit pour se protéger et protéger sa jeune sœur. Les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être, et s’en rendre compte peut être dévastateur ou salvateur, c'est selon…


« Le couple est une maison aux fenêtres fermées. Ses mystères ne se dévoilent qu’une fois à l’intérieur. Et encore, on n’ose pas toujours soulever le tapis. »

C’est très difficile de résumer ce roman si on ne veut pas trop en dire, ne rien gâcher du plaisir de la lecture.

Plongé dans les arcanes de la cour d’Assises, le lecteur accompagne Anna dans toutes les étapes du procès, assiste à tout, est immergé dans ses réflexions et ses doutes. Tout en délicatesse. Pour un premier roman, quelle prouesse, quelle plume ! Sans avoir elle-même été jurée, Claire Jéhanno a fait un travail énorme pour savoir comment se déroulent les procès, comment les personnes sélectionnées le sont et le vivent, le supportent, s’en sortent. Comme dans Femmes en colère de Mathieu Menegaux, on y est. En plein dedans. Et c’est absolument passionnant !


« On ne tue pas par amour. On ne condamne pas non plus un doute. »

J’ai d’abord eu peur que l’histoire personnelle de l’héroïne ne vienne entacher, alourdir le procès. Mais il n’en est rien. Au contraire. Parce que comme l’auteure l’a dit lors d’un échange, il n’y a pas d’interrogation de la justice sur les parcours des jurés. Leur passé, leurs drames, les conséquences que cet acte citoyen peut avoir sur eux. Même si la cour semble très bienveillante pendant les échanges et délibérés, que se passe-t-il après ? Comment les jurés reviennent-ils à la vraie vie ? Qu’en retirent-ils ? Que subissent-ils ? Que réparent-ils ?

C’est à toutes ces questions que Claire Jéhanno propose une réponse, avec un ton grave mais pas dramatique, une fluidité et une accessibilité qui donne envie que le roman ne s’arrête jamais.


« Les évidences sont les miroirs les plus trompeurs. Elles nous confortent dans ce que nous voulons voir. »

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