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La malentendue

Yolande Destremau

Il était important pour moi que la 100ème lecture de l’année marque le coup, soit un roman fort. Alors je me suis laissée guider par une lectrice qui commence à bien me connaître…


« Mes parents. Deux êtres lumineux, nimbés de l’amour fou qu’ils se portaient. Mon frère Boris et moi avions grandi avec ce modèle-là sous les yeux. »

Cécilia a tout pour être heureuse. Étudiante en droit, elle prépare le barreau et se destine à une carrière d’avocate. Elle a grandi dans une famille heureuse, auprès d’un frère et de parents qui s’aiment et qui l’aiment. Elle rencontre Abel avant de passer le barreau et c’est une évidence. Ils se marient après seulement quelques mois de relation. Tout va vite. Y compris l’isolement.

La vie avec Abel est exclusive. Plus d’amis, peu de contact avec la famille. Ils sont des adultes autonomes qui doivent s’auto-suffire. Les désaccords sont présents, comme dans tous les couples, mais contrairement à tous les couples, il y a aussi le dénigrement de l’époux envers sa femme, les reproches, la culpabilisation, jusqu’aux premiers coups. Sporadiques d’abord, comme accidentels, puis récurrents.

Au bout de cinq ans et deux enfants, Cécilia a perdu ses cheveux, son énergie, sa confiance. Elle a peur de lui, tout le temps, pour elle, pour ses filles. Elle ouvre les yeux sur ce qu’elle est : une femme battue. Elle doit trouver l’issue, les sauver de cette situation et se retrouver, malgré les a priori qui l’enferment.


« Mon existence semblait être délimitée par des contours nets. Avant. Maintenant, ces contours se relâchent, se fluidifient. Je ne reconnais plus le paysage. Tout devient illisible. »

On est en droit de lever les yeux au ciel en se disant qu’il s’agit là d’un énième roman sur la violence conjugale, car c’est le cas. Mais pas que. L’emprise d’Abel, cet homme toxique, pervers-narcissique, violent psychologiquement et physiquement est totale. Cécilia, la jeune et brillante avocate au destin prometteur n’est plus que Cécile, la femme battue et rabaissée sans cesse par ce mari qu’elle a pourtant tant aimé.

Ce qui est important dans cette histoire, c’est aussi et surtout qu’elle casse les codes. Aujourd’hui, malheureusement, on sait qu’environ une femme sur cinq est victime de maltraitance conjugale. Entre le 1er janvier et le 3 septembre 2022, 79 sont mortes des coups de leur conjoint en France.

Yolande Destremau nous fait ouvrir les yeux sur le fait que personne, aucune femme n’est à l’abri. La violence n’est pas une question de catégorie socio-professionnelle. Une avocate brillante, volontaire, féroce même sur le plan professionnel peut aussi n’être qu’un agneau malmené à la maison.

Comme l’habit ne fait pas le moine, le métier ou la situation sociale ne protègent pas. Tout le monde est concerné, tout le monde peut réagir et protéger. Tout le monde DOIT réagir et protéger. Sans se soucier de la tenue, du sac à main, de l’apparence.

C’est un roman fort qui est parfois difficile à lire car il renvoie à une réalité qu'on a tendance à ignorer, à mettre de côté, mais à laquelle il est indispensable de se confronter.

Un roman coup de poing, sans mauvais jeu de mot…


« La réalité est que je me sens impuissante. Je ne vois qu’une mère qui a failli à sa tâche, et qui assiste à l’écroulement de son monde. »

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