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La mort du roi Tsongor

Laurent Gaudé

« Il faut te faire violence et déposer le masque de pleurs à tes pieds. Ne cède pas à l'orgueil de celui qui a tout perdu. »

Après Eldorado et Chien 51, c’est le troisième roman de l’auteur que je lis et force est de constater que je suis de plus en plus séduite et emportée par ce style et cette imagination contagieuse…


« Souffle sur ta colère d’autrefois. Elle est là. Il est temps qu’elle t’embrase à nouveau. »

Tsongor a bâti un empire à partir de rien. Il a quitté son royaume natal à la mort de son père, ce père qui le méprisait et se riait de lui. Avec un petit escadron d’abord puis une grande armée, il a conquis des terres, ravagé des territoires, soumis des peuples. Et puis il a rencontré Katabolonga, un ancien soldat rampant, qui lui a fait comprendre que le temps des batailles était révolu et qu’après 20 ans de campagnes, il était l’heure de s’arrêter.

Alors Tsongor s’est arrêté, il a fait bâtir la cité de Massaba, y a élevé ses cinq enfants et a pris soin de son peuple.

La veille des noces de sa fille unique, deux évènements viennent perturber le doux cours des vieux jours du roi : Katabolonga lui rappelle la promesse de sa mort et Sango Kerim, un ancien prétendant de la princesse, vient réclamer la main de Samilia, comme elle le lui avait promis dans leur jeunesse.

Alors Tsongor meurt, mais il a auparavant chargé son fidèle serviteur et le plus jeune de ses fils de missions qui garantiraient, d’après lui, la paix des peuples, l’unité de la fratrie et le prestige de la lignée Tsongor. Mais rien ne se passe comme prévu car Samilia ne respecte pas le souhait de son père de renoncer aux deux hommes qui se battent pour elle. Et la guerre va faire rage des années durant, entre deux armées qui se battent pour une femme d’abord, avant de l’oublier au profit de la colère et de la vengeance.

Il n’y a que Souba, le cadet, qui parcourt le royaume pour mener à bien la mission que son père lui a confiée, mission qui sera parachevée du geste final de Katabolonga, permettant au souverain d’atteindre, enfin, le royaume des morts.


Il avait trouvé le lieu de sa mort. Il devait en être ainsi pour chaque homme. Chacun avait une terre qui l'attendait. Une terre d'adoption dans laquelle se fondre.

C’est un conte que cette Mort du Roi Tsongor. Dans un environnement imaginaire que l’on pourrait situer dans la mythologie de l'Afrique, on plonge dans une tragédie antique, un récit initiatique et plein de sagesse sur le prix d’un royaume, la fragilité d’une fratrie, la puissance d’une promesse.

Le roi est mort mais les évènements suivants son décès le maintiennent dans l’entre-deux, dans un état où il assiste à la déchéance des siens, impuissant et où il peut toujours communiquer avec Katabolonga, son plus fidèle serviteur pour le supplier de faire quelque chose qui sauverait les siens.

J’ai eu du mal à entrer dans cet imaginaire, surtout dans les combats mais je pense sérieusement que le contexte de lecture y est pour beaucoup. Parce qu’à la réflexion, j’ai retenu beaucoup de sagesse, de beauté et d’amour dans cette mort et son héritage. Une prise de conscience que la réalité n’est pas toujours ce qu’elle semble être et qu’il faut, parfois, savoir mettre sa fierté de côté pour le salut de son âme et de son peuple. S’obstiner ne sert pas toujours, bien au contraire, et la fuite peut être salvatrice, elle n’est pas forcément lâcheté.

Je comprends non seulement la force de ce récit mais également son succès et la reconnaissance dont il a bénéficié (prix Goncourt des lycéens 2002 et Prix des Libraires 20003).

C’est un roman qui fait réfléchir et, encore une fois, avec son écriture simple et directe, Laurent Gaudé m’a emmenée là où je ne pensais pas me plaire, dans l’antiquité, dans l’imaginaire.


« Il était comme un survivant stupide qui voit toute une génération d’homme mourir et reste seul, hébété, au milieu d’un monde sans nom. »

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