...(où je veux)
Depuis le premier confinement, on peut voir des poings levés et des manifestes pour les droits des libraires à rester ouverts. Et je suis bien d'accord. Sauf que...
Amazon, La Fnac, Cultura et toutes les autres enseignes se sont faites conspuées. C'est la mort des petits commerces, c'est la fin des librairies, c'est un coup de poignard dans l'accès à la culture, une traitrise aux commerces de proximité. Nous avons tous été encouragés à boycotter Amazon ou La Fnac au profit des petits libraires de quartiers, de villes et de villages.
Même le "rayon culturel" de mon supermarché Leclerc s'y est mis. Et c'est là que j'ai commencé à réfléchir un peu plus à la question.
Je vous explique un peu le topo. J'habite dans un tout petit village. Tellement petit que le lycée de secteur compte plus d'élèves dans ses classes qu'il n'y a d'habitants dans la commune.
Quand je ne travaille pas, je lis. Mais quand je ne travaille pas, je ne vais pas "à la ville" comme on dit en province. Je ne vais pas vers ces gros centres commerciaux ou belles petites villes avec des librairies fleuries à chaque coin de rue. Et en vrai, j'ai quand même envie de lire et d'acheter des livres. Toujours.
Alors oui, il y a la bibliothèque, mais ce n'est pas pareil, parce que le livre, après, je dois le rendre. Et s'il m'a beaucoup plu, je n'ai pas envie, j'ai envie de le garder près de moi, bien au chaud.
Il y a cette librairie d'occasion, à Concarneau (29), que j'adore et où je vais à chaque fois que je vais en Bretagne. Et il y a aussi ce dépôt "Book Hémisphère" à Kervignac (56), que j'aime à faire fonctionner. Mais la vérité vraie, c'est qu'il y a 500 km minimum entre ces "boutiques" et moi. Et ça reste des livres d'occasion.
Si je veux du neuf, je fais comment ? J'attends d'avoir un véhicule à disposition, j'attends d'être en état de conduire plus de 30 minutes, j'attends de travailler, j'attends que les livres arrivent, j'attends que la personne en face de moi soit compétente et ne me dise pas "Bah si voyons, Le Vol des Cigognes c'est le tout dernier Grangé, Madame, vous n'allez pas m'apprendre mon métier quand même..." (et ce n'est pas le pire que j'ai entendu !)
Il y a aussi la possibilité du livre numérique. Mais alors là, on se heurte aussi à tout un tas de problématiques : encore une fois, si le livre me plait beaucoup, j'ai envie de l'avoir en papier. Si je veux le prêter, bah je peux pas. Si je veux surligner, corner, m'approprier le roman, je ne peux pas. Et puis je ne fais pas vivre les libraires (ni les imprimeurs d'ailleurs) avec ma liseuse... liseuse Amazon soit dit en passant (oui, j'aime bien en rajouter une couche dans la provocation, pardon).
En vrai les gens, quand on habite un trou comme le mien, qu'on n'est pas mobiles, qu'on n'a pas de bibliothèque, qu'on a envie du tout dernier Lemaître en papier, bah oui, Amazon est notre ami. Confinement ou pas, Amazon est toujours là. Je sais que je ne vais pas me faire des amis et j'en suis désolée, mais il faut regarder la réalité en face : la France souffre d'un cruel manque de librairies, il y a des zones désertiques où se procurer un bouquin neuf peut demander des semaines (j'ai commandé la semaine dernière "Fort comme un hypersensible" de Maurice Barthélémy en librairie... avec un peu de chances, je l'aurai mi-février début mars...).
Et monter un business plan pour en ouvrir une, de librairie, c'est se heurter aux refus, voire aux moqueries des investisseurs et autres banquiers : "mais enfin madame, vous n'êtes pas sérieuse, une librairie, dans votre coin ? vous allez droit dans le mur..."
Donc au choix, soit on est une mauvaise personne, soit on n'achète que des livres d'occasion, soit on n'achète pas de livre du tout et on va à la bibliothèque, on se les prête (au risque de ne pas les voir revenir), et si on veut du neuf, bah on doit attendre, attendre, attendre.
Hors période de confinement, j'achetais déjà Amazon et je ne m'en cachais pas. Mais maintenant, je devrais avoir honte ? Non, non, très peu pour moi, il y a des choses bien plus graves... comme pas exemple ne pas me laisser ouvrir ma propre librairie...
Pour ceux que ça intéresse, je vous conseille donc les deux sites suivants pour les livres d'occasion :
(Le dépôt de Kervignac dont je parle plus haut vend via "Label Emmaüs")
C'est de bons sites, avec pas mal de références, un service au top, assuré par des personnes en difficultés. C'est à la fois écologique donc, et d'utilité sociale et publique car ce sont des chantiers d'insertion !
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