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Le Buzuk

Marie Kelbert

« Si tu baptises d'emblée l'affaire d'un vrai nom, ça s'imprime déjà dans les esprits sous cette appellation (…) et c'est le début de la légitimation. »

Joséphine vit sa vie de jeune veuve à Saint-Pol-De-Leon, avec le chien de feu son mari, un teckel au caractère bien trempé. À 70 ans, elle a encore la forme et, lorsque des jeunes marginaux s’installent sur la « Couette de Plume », elle comprend qu’ils sont là pour empêcher la construction d’un golf sur l’îlot. Mais la présence de ce camp de fortune ne plaît pas à tout le monde, loin s’en faut. Et alors que Joséphine se fait une petite place dans cette communauté de Gwen, le Buzuk (le chien) devient petit à petit la mascotte de ce qui est en train de devenir une ZAD. 

C’est une nouvelle jeunesse pour la septuagénaire qui prend le parti de soutenir ces jeunes grâce auxquels les promoteurs sont bloqués. Mais cela veut dire aussi être seule contre tous, y compris sa famille. Il n’y a que sa petite fille, Jade, rebelle comme on l’est à 16 ans, qui après avoir fait sa mauvaise tête, prend le parti de Joséphine et de la ZAD. Il n’y a que Jade qui comprenne ce qui est en train de se jouer pour sa grand-mère qui parle toujours au grand-père décédé et qui s’accroche au teckel qui est un lien avec son défunt mari. Il n’y a que Jade pour ne pas la juger, la contraindre, et pour l’encourager à ne pas se laisser dépasser par le temps qui passe… 


« lorsqu'on regarde un enfant, il faut toujours se dire qu'on ne le connaîtra que l'espace d'un instant, que déjà un autre enfant lui succède. »

Ce premier roman est audacieux, frais, et breton ! L’auteure y dévoile les combats liés à l’âge : la perte de repères et parfois de mémoire, l’invasion de ses enfants qui, au prétexte de notre grand âge, veulent prendre l’ascendant, l’incompréhension de la nouvelle génération en même temps que l’envie de lier. Et puis le chagrin du deuil et la manière dont on fait face, ce à quoi on s’accroche pour ne pas se noyer dans la peine. Joséphine a été à la messe puis a été à la ZAD. Mais, toujours, elle s’est adressée à Jacques, son mari, parti depuis peu. 

Il y a certes quelques incohérences et des maladresses mais rien qui enlève à ce roman la joliesse de son propos. Le regard que l’on pose sur nos aînés et celui que l’on jette aux Zadistes contient la même quantité de jugement : on ne cherche pas à savoir en profondeur, on toise, on regarde de haut. Ce n’est que dans le dialogue et l’échange que l’on parviendra à se comprendre et à s’aimer en entier. Ce roman souligne l’importance de maintenir le dialogue et le lien entre les générations qui peuvent être des soutiens l’une pour l’autre. 

Il est touchant de voir ce qui unit Joséphine à Jade, deux générations qui s’unissent contre celle du milieu, les adultes responsables qui infantilisent la mère et décrédibilisent la nièce. Comment ne pas se reconnaître un peu dans l’un de ces personnages qui couvrent un large spectre de la population ?

Gageons que l’auteure continuera l’expérience de l’écriture et que celle-ci s’améliorera. Il y a un réel potentiel dans ce que j’ai lu ici et ce n’est pas seulement la Bretonne en moi qui parle ! 

Kenavo !  


« Vivre avec l'espoir est une vie qui en vaut bien d'autres ! »

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