Adeline Fleury
« Les histoires de fées, ça permet d’enrober de merveilleux les vérités que l’on ne veut pas affronter. »
Il y a des romans, on les voit partout, tout le temps. Et forcément, ça finit par titiller la curiosité… du coup, immersion dans les légendes de la Normandie rurale avec ce récit original d’Adeline Fleury.
« Qui touche une bête maudite ramène le mal en son foyer. »
Il est un village, dans le Cotentin, qui est ancré dans l’agriculture, l’élevage de bêtes et la foi comme si le temps n’avait pas de prise sur lui et ses habitants. Dans cette bourgade de la Manche, tout le monde se connaît, ou presque. Il y a bien ceux du lotissement mais ils ne se mélangent pas, eux, ils vont faire leurs courses à la ville où ils travaillent et ils restent entre eux.
Dans le bourg ou les fermes alentours, c’est différent. Il y a bien ces deux femmes, qui sont arrivées à peu près en même temps de la Capitale et qui exercent des métiers d’hommes : l’une est vétérinaire, l’autre maréchale-ferrante. Forcément, elles deviennent amies, et peut-être même un peu plus mais…
Dans le village, il commence à se passer des choses bizarres : des animaux sont mutilés, tués, de manière barbare. Et il y a cet enfant, au regard dérangeant, qui n’est jamais loin lorsque les drames se produisent. La vieille rebouteuse sait qu’il y a des enfants fées dans le coin, son fils en était un. Le p’tit Jojo a été retrouvé mort sur le bord de la route il y a 15 ans. Elle reconnaît dans le blondinet la même magie que portait son fils, le même mystère. Mais tout de même, il ne peut pas avoir mutilé la vache, tué le cheval… Il y a forcément quelque chose ou quelqu’un d’autre.
Et puis la Grande Stéphane, celle qui s’occupe maintenant des chevaux et qui s’est installée dans la maison de l’ancienne institutrice, elle aussi constate des choses étranges. Sa maison semble hantée, habitée par des esprits. Pas forcément malveillants mais puissants, des esprits de la campagne, des esprits issus des contes et légendes de la région.
Un lourd secret pèse sur la bourgade depuis des années. La magie de l’enfant blond va révéler ce secret, va réveiller les mémoires et les culpabilités. Cet enfant, indirectement responsable de nombreux drames, va être le révélateur de la cruauté des hommes et réveiller le besoin de revanche de l’opprimé.
« La vieille porte le monde dans les yeux, les catastrophes, les grandes découvertes, les guerres, les passions dévorantes (…). Cette femme là n’est pas simplement humaine, elle est animale, végétale, minérale, elle est la vie.. »
J’ai été un peu perturbée par l’entrée dans ce roman, mêlant vie rurale, gentrification des campagnes et poids des légendes. Il y a un rythme à prendre, une ambiance dans laquelle se fondre. Une sorte d’acceptation.
Une fois le cap passé, la porte ouverte au fantastique, on se laisse prendre dans cette histoire de village hanté par le poids du passé et des secrets. Les habitants sont tous pris dans une sorte de spirale, leurs souvenirs les tirent vers les fantômes, les non-dits et les erreurs commises. Même les nouvelles arrivées ont des choses à se reprocher, des spectres qui les empêchent d’avancer sereinement. Elles sont les étrangères, celles qu’on regarde de travers tandis qu’elles observent elles, avec l’innocence de ceux qui ne sont pas d’ici.
Je ne peux pas trop en dire, sinon je gâche la surprise, le mystère de ce récit qui mêle magie et campagne, pâturages et océan, enfance et âge adulte. Innocence et culpabilité.
Je ne peux qu’admettre que cette lecture m’a d'abord laissée perplexe puis plus riche de connaissances sur tout un panel de légendes qui sont, à priori, très présentes dans le Cotentin et qui accompagnent les normands depuis longtemps.
Un petit voyage au pays des fées, des varous et des esprits, une immersion dans le folklore de cette presqu’île, entre terre et mer…
« Les superstitions entourant les fantômes sont bien plus commodes à se représenter que la réalité de la finitude et sa pourriture. »
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