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Le dossier M - 1 Rouge (Le monde)

Grégoire Bouillier

En quatrième de couverture, le journaliste Philippe Forrest écrit du Dossier M que «… l’écrivain parvient à tirer du vide de sa vie, un récit qui regorge d’intelligence, de drôlerie, dans une forme extraordinairement inventive. » (Art Press)

Voilà, tout est dit, Philippe a tout compris, a tout décrit, a tout détaillé. On pourrait s’arrêter là, ne pas aller plus loin dans la description de ce premier tome, mais ce serait mal me connaître !

« En ouvrant un livre, on signe le pacte qui, par convention, fait gober au lecteur tout ce qui est écrit sur la page, même les situations les plus invraisemblables »

Essayons de retracer la chronologie telle qu’elle est décrite dans les 447 premières pages de cet énorme Dossier M (et comme si ces six tomes n'étaient pas assez, il y a des bonus sur ledossierm.fr)

Le narrateur reçoit un SMS de sa maîtresse Patricia. Elle lui annonce le suicide de son mari Julien. Il s’est pendu avec la ceinture de son pantalon à la fenêtre de sa chambre.

De là, l’homme est persuadé d’être responsable de ce décès. Entièrement responsable. Rongé par les regrets et par l’accumulation des emmerdes depuis quelque temps, il décide d’assumer et de prouver sa culpabilité dans cette mort en montant un dossier à charge contre lui-même.

Alors, il revient aux origines : de l’enfant qu’il a été, de l’étudiant qu’il a refusé d’être, de ses premiers pas dans la vie professionnelle, de sa manipulation des services militaires, de son histoire d’amour avec S (et de ses avantages), suivie de sa rupture avec elle (et des inconvénients qui en découlent).

Il revient sur son héros d’enfance, Zorro aka Don Diego de la Vega (version Guy Williams 1957-1961), ainsi que sur la manière dont la série Dallas a complètement remodelé le système de pensée des années 80, transformant en profondeur la société. Et puis c’est tout.

Une aventure, un SMS, un pressentiment autour d’une machine à café Illico, un besoin de rupture. Ce premier tome ne tient qu’à ça. Et c’est magnifique toute cette broderie qui est faite autour de ces quelques événements.


« On ne se refuse rien dès qu’on frôle la mort. On se met aussitôt à vivre sur un grand pied. »

A bien y réfléchir, il ne se passe absolument rien de transcendantal dans ces 447 pages. Certes, tout commence par un suicide. C’est terrible, c’est vraiment triste (un peu risible dans les détails mais…) sauf que malheureusement, ça arrive tous les jours. Il y a néanmoins la culpabilité de l’enfant - qui le poursuit une fois devenu adulte, l’amour, la rupture, le besoin irrépressible d’écrire sur des petits carnet noir… En soi, il n’y a rien de vraiment extraordinaire. Grégoire Bouillier raconte sa vie, ses pensées, ses ressentis, ses analyses, mais il le fait bien.

On est très loin du fait divers décortiqué dans Le cœur ne cède pas. On est davantage dans la logorrhée mentale de Lucy Ellman dans Les Lionnes. Mais on retrouve le sens du détail, l'art de la digression, la capacité à rendre captivant quelque chose qui ne l’est pas. Zorro, le XV de France, la série Dallas, un trajet en métro… Qu’est-ce qu’on s’en fout en vrai ? Sauf que sous la plume de l’auteur, tous ces petits détails de la vraie vie deviennent importants, pour ne pas dire palpitants.

« C'est en cours de route que l'on trouve des solutions. Car c'est chemin faisant que les problèmes surgissent. »

On ne va pas se mentir, de temps en temps, il a fallu s’accrocher plus fort, être courageuse pour ne pas se laisser distancer dans le labyrinthe du cerveau de l’auteur. Mais on pressent la suite, on l’attend avec impatience et c’est ce qui nous fait tenir. De la même manière que le narrateur s'égare dans le fouillis de ses propres pensées, le lecteur retombe sur ses pieds et finit par retrouver le chemin (qui n’est pas la route).

Je sais déjà que je vais devoir lutter pour arriver à la fin de cette aventure que je viens de commencer, mais je sais aussi que le plaisir de la lecture sera proportionnel aux difficultés rencontrées dans les pages. N’est-ce pas aussi à cela que sert la lecture ? À se défier, à se challenger, à se confronter… La littérature est une chose sérieuse, un plaisir qui nécessite parfois de fournir des efforts. C’est parti pour six tomes, donc…


« Personne ne mourra à ma place et cela me donne le droit de vivre ma vie !»

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