Mathias Malzieu
Chaque roman de Malzieu est une bouffée de poésie pure, même s'agissant des thèmes les plus durs. Ce guerrier ne fait pas exception.
« Les vrais souvenirs, même les bons, sont des aimants à mélancolie. Alors que mes petites créations me rendent doucement joyeux. C'est artificiel, soluble dans l'air, mais je m'en vaporise l'esprit souvent.»
1944. Le petit Mainou (diminutif Germain) vient de perdre sa maman. En couche imaginons-nous. Mais Montpellier est sous les feux ennemis et le papa du garçon doit partir se battre. Il décide de mettre l'enfant à l'abri en Lorraine. Surprenant, peut-être, mais au moins l'enfant sera-t-il confié à des personnes de confiance et d'amour : sa grand-mère, son oncle et sa tante maternels. Ces trois-là vivent dans une ferme-épicerie en zone occupée, entourés de leurs animaux, de leurs secrets, et surtout portés par leurs manies et leur souhait d'assumer la sécurité du garçon, son éducation, son enfance.
Ainsi, pendant presque un an, Mainou apprend à être discret, rapide. Il passe beaucoup de temps seul, entre grenier, cave et réserve. Il en développe la fâcheuse habitude de réfléchir à voix haute (ce qui lui cause quelques désagréments avec sa tante bigote et son oncle poète amoureux). On ne lutte pas facilement contre l'enfance et ses travers : ses envies de jeu, sa curiosité, son chagrin, son besoin d'amour. "Père adoptif" d'une cigogne baptisée Marlène Dietrich et qui a très mauvaise haleine, il va tenter de survivre à tout ce qui l'entoure et l'étouffe d'une angine de questions. Il va découvrir des secrets, s'en délecter, s'en remplir. Il va apprendre à aimer ceux qui l'entourent et à vivre avec sa tristesse, grâce à ce cahier dans lequel il écrit : récit de son quotidien à destination de sa maman décédée.
« La bible, c'est l'autoroute de l'imagination, livrée avec notice d'utilisation. Ce qui est mal, ce qui est bien, ce qu'il faut faire, ne pas faire. Je trouve ça d'un ennui mais bon...»
Malzieu a du Vian dans son écriture, dans sa poésie. Et c'est d'ailleurs sur une citation du grand parolier qu'il nous invite à entrer dans le témoignage de cette année de la vie de son papa.
J'avoue avoir eu un peu peur. Ces derniers mois, beaucoup d'écrivains ont traité de la vie de leurs parents, de leurs pères, et notamment pendant cette période terrible de la guerre. Il y a eu du très bon, et aussi du qui ne m'a pas plu mais alors pas du tout. Je n'avais pas envie d'être déçue par Mathias Malzieu que je lis, écoute et aime depuis si longtemps.
Et non. Pas de déception.
Alors oui, il m'a fallu un peu de temps pour faire de la place à Mainou, habituée que je suis à Mathias. Mais une fois la mécanique lancée, elle était partie et bien partie. Je ne voyais, (res)sentais que ce que l'auteur voulait. La joie, la tristesse, l'espoir, l'utopie et la poésie d'un petit garçon de 8-9 ans dépassé par ce qu'il se passe autour de lui : la guerre, la mort, l'amour.
Et puis il y a cette admiration qui transpire dans chaque chapitre. L'épilogue donne des clés. Mais quand on connaît bien le chanteur-auteur comme je le connais, on sait que l'amour qu'il a pour son père est le principal ingrédient de cet hommage, de ce témoignage de l'admiration ressentie pour cet homme, "guerrier de porcelaine, un sensible qui n'a pas peur du combat".
« … l’amour, ça s’entretient comme un potager. Et la poésie, c’est le meilleur des engrais. »
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