Dennis Lehane
« il y a bien plus de gens dans ce monde qu’il y a de part de chance… »
Boston, Massachusetts, août 1974. L’été touche à sa fin et à la rentrée, Jules, 17 ans, devra se rendre dans un nouveau lycée. Au titre d’un décret luttant contre les discriminations, les lycéens blancs et noirs des quartiers pauvres de la ville devront être mélangés.
La communauté irlandaise de Southie est décidée à se battre contre cette loi.
C’est dans ce contexte ségrégationniste que meurt un jeune homme noir de 20 ans. Son corps est retrouvé sur les rames du métro. Le jour même, Jules disparaît de la circulation. Elle ne donne aucun signe de vie à Mary Pat, sa mère, qui décide de retrouver sa trace coûte que coûte. Mais alors que les liens se tissent entre la mort du jeune garçon et la disparition de la jeune blanche, toutes les portes se ferment autour de Mary Pat. Elle fait courir de trop grands risques à son quartier, sa famille, ses amis et ses voisins en remuant ciel et terre.
A force de se heurter à des murs et au silence du quartier, cette femme qui a déjà perdu un mari et son fils aîné va peu à peu se laisser gangrener par la haine et la colère.
Qu’importe les conséquences sur sa vie, elle veut savoir ce qui est arrivé à sa fille et ce qui lie sa disparition au meurtre du gamin qui n’avait pour seul tord que d’être au mauvais endroit au mauvais moment, ce qui lui a coûté la vie.
« il y a bien plus de gens dans ce monde qu’il y a de part de chance,… »
On retrouve Dennis Lehane après une trop longue absence (d’après moi). Dans cette ville de Boston qu’il connaît et décrit si bien, il est chez lui et cela se sent.
Il revient sur les événements dramatiques de l’été 1974 et du « busing », cette décision prise par les élites de mélanger les élèves noirs et blancs des quartiers défavorisés. Dans la cité du nord des USA, ce Nord pourtant réputé pour avoir lutté contre l’esclavage, les clivages et le communautarisme sont lois. On ne se mélange pas. Chacun chez soi, et dieu pour tous. On n’est pas raciste mais…
Mary Pat, en partant à la recherche de sa fille se retrouve confrontée à cette réalité à laquelle elle n’avait encore jamais fait attention. C’est le quartier en premier. C’est le groupe auquel on appartient. Ce sont les lois de la cité que l’on habite qui priment. Pourquoi changer quoi que ce soit dans l’ordre établi? Pourquoi accepter dans les quartiers défavorisés des décisions prises dans les quartiers riches, où les enfants ne fréquentent pas les établissements publics et ne sont donc pas concernés par le mélange imposé ?
« si quelqu'un qui n'aime personne se met à vous aimer, est-ce que ça ne fait pas de vous quelqu'un d'unique? »
Dans une ambiance étouffante, par la chaleur, par l’oppression de l’environnement géographique et humain, l’auteur nous fait découvrir une facette encore bien sombre de Boston, ville qui abrite pourtant l’une des universités les plus prestigieuses du monde (Harvard). ET pourtant, on se prend sinon à aimer, du moins à comprendre ce que c’est que cette vie. On comprend le conditionnement de notre cadre, de notre éducation, de notre quartier. On reconnaît des codes qui, s’ils sont différents, sont aussi similaires.
C’est un roman fort qui revient sur le combat d’une mère contre les siens et contre son temps, contre elle-même aussi, car elle est obligée d’ouvrir les yeux sur ce qu’elle a accepté et - pire - ce qu’elle a inculqué. C’est un roman fort qui dénonce la bêtise, le racisme, la corruption et le clanisme. C’est un roman qui fait la part belle aux héros du quotidien, qui ne sont ni Superman, ni Batman, mais des gens normaux qui ne veulent pas plier…
Un grand Lehane comme je les aime !
« la seule loi et le seul dieu, c'est l'argent. Si on en a suffisamment, on n'a pas à souffrir des conséquences de ses choix et on n'a pas à souffrir pour les idéaux que l'on défend... »
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