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Le silence et la colère

Pierre Lemaitre

C’est pour moi l’évènement de cette rentrée hivernale : le nouveau Pierre Lemaître ! Chaque roman de cet auteur que j’aime tant est attendu, espéré puis très vite dévoré ! Le silence et la colère n’a pas fait exception !


« … j’ai vécu toute mon enfance dans les institutions religieuses. Pour te faire passer le goût du saint, il n’y a pas mieux.»

C’est au début de l’année 1952 que nous retrouvons la famille Pelletier. Quatre années se sont écoulées depuis la fin du Grand Monde.

L’affaire de Jean et Geneviève s’est développée et ils sont sur le point d’ouvrir une très grande surface, place de la République à Paris. Enfin, Jean surtout, puisque sa mégère de femme, enceinte, ne fait rien d’autre que de l’accabler, quand elle ne s'acharne pas sur leur fille, Colette. Entre le stress de l’ouverture, celui de la gestion du magasin, ses mésaventures dans le train de Charleville, Jean a de quoi se faire du mauvais sang.

François, quant à lui, amoureux de sa belle Nine, continue de travailler pour Le journal du soir et monte en grade. Il connaît lui aussi son lot de déceptions et de difficultés et doit faire montre de la plus grande pugnacité pour mener de front toutes ses enquêtes.

Hélène s’est tant améliorée comme photographe qu’elle est elle aussi employée au Journal du Soir. Et pour le malheur de son frère, elle ne se contente pas de brandir son appareil photo, elle doit user de la plume également. Envoyée à Chevrigny, elle se retrouve à couvrir les dernières semaines d’un village condamné à l’inondation. Elle navigue à vue entre ce qu’il se passe entre les villageois et l’ingénieur mais aussi ses propres problèmes personnels qui prennent beaucoup trop de place.

Louis, à Beyrouth, parie sur un jeune boxeur qui n’a pour lui que la chance et le courage.

Angèle, sans rien dire à son exubérant mari et à ses fantasques enfants, réfléchit et agit, pour le bien de ceux qu’elle aime, parfois sans qu’ils ne le réalisent.


« Je suis heureux d’avoir une épouse amoureuse (…). Je préférerais que ce soit de moi, mais j’ai l’esprit large.»

La famille Pelletier s’est développée. Plus il y a de protagonistes, plus il y a d’intrigues et tout se mélange.

Je dois le dire, il y a eu quelques moments où je me suis dit, il y en a de trop. Et puis je me suis laissée entraînée, galvanisée par cette ambiance des années 50, ces fonctionnaires retords, ces salariées soumises, ces hommes perfides et calculateurs.

De rebondissements en rebondissements, on prend conscience de l’intelligence de chaque Pelletier, de leur ADN commun à tous : l’intrigue, les magouilles qui ne font de mal à personne (ou presque) et qui aboutissent au mieux pour tous.

Il n’en demeure pas moins que, une nouvelle fois, c’est un roman de femmes. Ce que je veux dire, c’est que j’ai pris conscience, au fur et à mesure de ma lecture, que dans ce dernier roman, mine de rien, ce sont elles qui gouvernent, qui ont le pouvoir. C’est flagrant et c’est jouissif.

En 1952, l’avortement était encore un crime, on accusait les femmes de ne pas être propres, elles étaient exploitées par les patrons et devaient prendre particulièrement sur elles quand elles n’avaient pas d’hommes pour prendre soin d’elles. Mais finalement, en sous-marin, elles dirigeaient, menaient, gagnaient.

Je ne sais pas où et quand nous mènera Lemaître dans son prochain volume, mais comme à chaque fois, il me tarde de le savoir. En attendant, je vais me pelotonner dans le souvenir de cet opus et sans doute le relire en l’écoutant, ne serait-ce que pour le plaisir de découvrir de nouveaux éléments, de ceux qui ne se laissent connaître qu’à l’oreille.


« Car nos secrets, nos turpitudes, nos silences, nos violences, nos mensonges sont comme les ruines de Chevrigny. Recouverts, ils n’en continuent pas moins d’exister.»
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