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Les âmes féroces

Marie Vingtras

« Souffrir, c’était se savoir vivant. »

Dans la petite ville de Mercy, quelque part aux Etats-Unis, il ne se passe jamais rien de bien grave. D’ailleurs, le Shérif est une femme, Lauren, c’est dire ! Sauf qu’un matin de printemps, un corps est retrouvé. Il s’agit de celui de Léo, une lycéenne de 17 ans. Belle, discrète, sérieuse. Elle et son père vivaient ensemble une maison en mauvais état depuis que ce dernier avait tout perdu : son garage, son argent, sa femme. 

Qui pouvait suffisamment en vouloir à la fille aux cheveux noirs corbeau pour mettre fin à ses jours ? 

Au cours de cette enquête, la Shérif, le professeur de Français, la meilleure amie de Leo et le père de la victime vont se livrer, livrer leurs responsabilités, leurs manquements, leurs passés aussi. Tout ce qui a mené, au fil des années, au drame qui aura coûté la vie à une gamine sans histoire mais non sans espoir. 

Tout le monde dans cette bourgade sans relief a ses secrets, plus ou moins graves, aux conséquences plus ou moins tragiques. Leo est au centre mais chacun doit se battre avec ses propres démons : l’homosexualité de Lauren ; le passé criminel de Chapman, le professeur ; la jalousie et la solidtue d’Emmy, la meilleure amie ; la culpabilité de Seth, le père qui n’a pas su garder sa femme, la rendre heureuse.

Au fil des saisons, on fait la connaissance de ces personnages et de cette ville, moins fade et moins lisse qu’il n’y paraît. Une ville qui vit en fonction du temps qui passe et dans laquelle chaque année ressemble à s’y méprendre à la précédente, sauf lorsqu’on s’immerge dans les intimités des habitants…  


« en amour, je veux être un homme. Je veux prendre, je veux laisser et tant pis si après moi il ne reste que des miettes. »

Ce second roman de Marie Vingtras est surprenant tant il ne nous laisse pas l’opportunité de le lâcher. Le drame qui frappe Mercy est le révélateur de la véritable nature des habitants, originaires d'ici tels que Lauren, Emmy et Seth, ou d’ailleurs, comme Benjamin Chapman ou Livia, la mère de Leo. 

L’écriture et le traitement sont originaux : découper l’année en fonction des saisons, chacune racontée par un des personnages principaux, chacun livrant sa vérité sur la disparue mais également sur ses secrets les plus inavouables. On peut avoir peur de se perdre dans la chronologie, étant donnés tous les sauts d’avant en arrière, mais non, à aucun moment on ne s’égare, la plume de l’auteur nous guidant avec des mots d’ancrage qui nous permettent non seulement de suivre ce fil d’ariane mais également de vouloir aller de plus en plus vite, de plus en plus loin, tant l’intrigue est prenante. 

On se pose des questions sur les culpabilités, à chaque moment on se dit : c’est lui, c’est elle, ou non, plutôt untel ou machine qui a fait le coup, qui a tué Leo. Mais non, on n’a le fin mot de l’histoire qu’à l’extrême limite et on n’en revient pas, vraiment. Ceci dit, au milieu de toutes ces destinées et de toutes ces histoires personnelles qui se croisent, s’entrechoquent, se violentent, savoir qui a tué l’adolescente devient presque anecdotique. Parce que tout le monde a sa part de responsabilité, directe ou indirecte. Personne n’est innocent dans la petite ville de Mercy, pour laquelle on n’éprouve, finalement, plus aucune miséricorde. 

Un vrai bon moment de lecture, récompensé - à juste titre - par le Prix Fnac 2024.


« Il n’y a que ceux qui ont tout ce qu’ils désirent qui peuvent marcher le nez en l’air. Les autres avancent les yeux rivés au sol en se demandant où se dissimule le prochain obstacle. »

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