Jérôme Colin
« Avancer est le seul moyen qu’on ait trouvé pour se donner l’illusion d’une vie bien employée. »
Lecture à l’aveugle. Lecture Vleel. Coup au cœur et réflexion sur notre jeunesse : celle que nous avons vécu et celle que nous élevons en tant que parent…
« dans la vie, il faudrait pouvoir accepter accepter les transactions en connaissances de cause. Être informés de la dose de chagrin que chaque décision va engendrer. »
Jérôme et Léa s’aiment. Mais Léa veut un enfant, Jérôme non. Jérôme ne veut pas s’attacher, ne veut pas imposer à un bébé la venue au monde. Il ne veut pas que ce petit être en devenir répare le fait d’être né. Alors Léa prend ses distances, et ses valises.
Affligé par la perte de celle qu’il aime, le jeune homme décide de se confronter à son passé, de le raconter, enfin. Dire qu’à 15 ans, il était un adolescent en rupture, difficile, violent, malheureux. Après qu’il a menacé son père avec un couteau, la justice le place dans une institution psychiatrique. Lui qui est persuadé d’être unique dans son malheur va se rendre compte que non. Que d’autres enfants souffrent, ont souffert et souffriront. Qu’il est malheureusement loin d’être une exception. Dans ce centre, il s’ouvre au monde, celui de l’intérieur, et il va surtout rencontrer Colette.
De trois ans son aînée, elle le subjugue, l’hypnotise, lui donne envie d’aimer et d’aider, autant que d’être aimé et d’être aidé. Cette rencontre furtive avec cette autre âme brisée va changer Jérôme à jamais et le rendre plus fort, en même temps que porteur d’une promesse : celle de dire, de raconter, de témoigner de la souffrance des enfants et de la réalité de la pédopsychiatrie.
Un retour dans le passé qui aura des répercussions sur l’avenir, ce con qui finit toujours par arriver, qu’on le veuille ou non.
« Les compliments sont des regards bienveillants. Ils ne chassent pas l’ennemi mais vous arment pour la bataille. »
« On ne peut pas jouer à vivre quand on pense qu’il faut réparer le fait d’être né. »
Je ne savais absolument pas à quoi m’attendre.Lecture émotion pure. Brute. Douloureuse mais nécessaire. Lecture sur des enfants qui vont mal et qui deviennent malgré tout des adultes, quand ils ne décident pas qu’en fait, la vie normale n’est pas faite pour eux. Ode au travail des centres spécialisés qui se battent pour créer du lien, de l’espoir, de l’envie chez ces pas encore adultes qui ne trouvent pas leur place au milieu de toutes les injonctions à la norme.
Il est rare qu’autant de phrases soient soulignées dans un si petit roman, mais la justesse des mots de Jérôme Colin m’a touchée en plein cœur. Empathique pour ces ados en mal de place, compréhensif pour leur tristesse, leurs colères, leur besoin de sens. L’auteur nous livre le récit bouleversant d’un gamin qui sans le savoir est un poète moderne, tant sa tristesse et sa peur le bercent, ou plutot le transpercent.
J’ai reconnu beaucoup de moi dans ces douleurs. Cela peut paraître bizarre mais en tant que vieille ado pas toujours très confort dans mes Dr Martens, en tant que maman d’une gamine de 13 ans, en tant que tante aussi, j’ai été bouleversée par la justesse de ce récit qui touche du doigt ce que beaucoup veulent cacher : notre jeunesse souffre, et que faisons-nous ? La consommation prend le pas sur le bien-être, et que faisons-nous? Arrêtons nous un moment face à nos enfants, vraiment face à eux, et écoutons-les de tout notre cœur. Acceptons leur souffrance pour les aider à les surmonter plutôt que de les encourager à passer outre.
Un roman nécessaire. Absolument nécessaire pour ne pas être responsable du malheur profond de ce que nous avons de plus précieux : nos enfants.
« Si quelqu’un décide un jour de t’aimer, il ne te demandera pas ton autorisation. Il tombera amoureux de toi. C'est tout. L’amour, quand il tombe, ne demande pas la permission. »
« Les livres ne sont pas des cimetières (...) ils ramènent à la vie ceux qui sont partis. Ils leur permettent d’être utiles. »
« Ne crains pas la dose de souffrance qu’apporteront tes joies. »
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