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Les femmes qui craignaient les hommes

Jessica Moore

« Aimer quelqu’un est important - ça lui donne le sentiment qu’où qu’elle aille, il y aura toujours une courroie élastique pour la ramener vers une base ferme. »

Dans la périphérie de Manchester, en Grande-Bretagne, le cadavre d’une jeune femme est retrouvée sur les berges de la rivière. Malgré le fait que tout fasse croire à un suicide par noyade, une enquête est ouverte. Whitworth, inspecteur près de la retraite et son nouvel adjoint Brooks mènent les investigations. La victime travaillait dans un refuge pour femmes battues. Elle était leur conseillère et amie. Elle connaissait leurs parcours de vie, leurs faiblesses, leurs combats. Elle savait tout et, petit à petit, nous aussi - lecteurs - en apprenons sur ces femmes. Battues et ou malmenées par leur maris, conjoints, pères, clients, frères. Toutes ces femmes ont pour point commun d’avoir subi la violence et ressenti l’amour. Quelques soient leurs épreuves, elles aiment et veulent être aimées mais sont rattrapées par la brutalité des hommes. Même la directrice du refuge, Valérie, est attaquée par voie numérique, victime de cyberharcèlement et de menaces qui montent en intensité et en violence.

Les deux inspecteurs suivent les traces et les indices, furètent et cherchent, se heurtent à des murs de silence et des fuites. On est avec eux, mais pas seulement. On est avec elle aussi, la victime, via les chapitres « avant » qui nous éclairent sur ce qu’a été sa vie avant Widringham.


« … on n’a pas le temps de se mettre en rogne quand on a deux garçons (…) à élever. »

J’ai d’abord été sceptique sur l’écriture, sur le sujet, sur le parti-pris de ce polar, jusqu’à m’interroger sur ce qui justifiait qu’il ait été sélectionné comme finaliste du #prixnouvellesvoixdupolar des éditions #pocket. Et puis. Et puis ça a infusé, fait son chemin dans mon esprit et j’ai compris. La construction, certes déjà-vue, n’en est pas moins prenante. Le sujet, certes rabâché, n’en n’est pas moins glaçant. Et l’issue, bien que prévisible environ 150 pages avant la fin du roman, n’en n’est pas moins désolante. Pas décevante. Désolante, vraiment.

Derrière l’enquête, il y a avant tout une dénonciation du système judiciaire britannique. Ce système dans lequel la violence conjugale n’est pas considérée comme elle devrait, à savoir comme un crime, comme une ignominie. Des femmes obligées de se cacher, de vivre dans la peur (pour elles et pour leurs enfants). Des femmes devant se justifier, prouver qu’elles ne sont pas coupables d’être victimes des hommes. Des budgets diminués, des structures d’accueil en danger, comme les personnes en bénéficiant. Des pourris partout, dans toutes les strates, dans tous les domaines, dans tous les métiers.

C’est un roman policier certes, mais c’est un roman qui fait réfléchir. A la chance d’être aimée sans violence, d’être aimée dans le respect. A l’horreur de la violence conjugale. Aux mystères de la psyché, masculine ou féminine : les hommes qui battent et qui pleurent, les femmes qui subissent mais qui y retournent. C’est également, je pense, une invitation à ne pas juger ces femmes qui prennent la défense de ceux qui les maltraitent parce que finalement, quand on a la chance d’être préservée de cette maltraitance, on ne peut décemment pas savoir ce qu’on ferait dans une telle situation. C’est exactement comme se dire qu’on aurait forcément été résistant. On ne sait pas, ce n’est pas notre réalité, c’est heureusement un choix qu’on n’a pas à faire.

« Ça fait du bien de donner des cadeaux quand on n’a plus rien à offrir. »
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