La lecture est un moyen d’aller à la rencontre de l’autre par les échanges d’avis et de ressentis. Il y a d’ailleurs pléthore de plateformes où l’on peut discuter… sans filtre ?
Depuis un peu moins de trois ans maintenant, je fais partie d’un groupe virtuel de lecteurs, sur Facebook. Je trouve cela vraiment intéressant de consulter les ressentis des uns et des autres sur tel ou tel ouvrage, de piocher des idées pour alimenter ma PAL*, de confronter les points de vue et d’enrichir la réflexion sur un roman ou un essai.
C’est aussi grâce à ce groupe que j’ai commencé à rédiger des compte-rendu de lecture et que j’ai constitué ma base de données, base de données qui est devenue, par la suite, les fondations de mon travail de restitution et de partage sur mon blog/ site. C’est aussi, on ne va pas se mentir, ce qui a donné une nouvelle direction à mes projets professionnels, mais nous aurons l’occasion d’en reparler un peu plus tard…
Grâce à ce cercle, j’ai appris à réfléchir de manière plus construite et structurée à ce que j’ai ressenti, à ce que j’ai pensé ; j’ai passé du temps à construire, à rédiger pour faire passer un message… mais aussi revenir (souvent) sur les émotions suscitées par un récit. Je me rends compte, en écrivant quelques lignes, que rien n’est tout noir, ou tout blanc, qu’il y a des nuances de gris à prendre en considération. Passer du temps sur les restitutions me permet justement cette prise en compte, cette prise de conscience et l’acceptation de cette vision qui change quand elle est « digérée » sur papier (ou sur écran).
De plus, le fait de passer par un réseau tel que Facebook est un bon moyen de communiquer avec un maximum de personnes, venant des quatre coins de France voire du monde, de catégories sociales et professionnelles différentes et ainsi de faire tomber pas mal de barrières instituées par la « vraie vie », celle qui fait qu’on voit un peu toujours les mêmes personnes : celles avec lesquelles on est amis, de famille ou collègues. C’est aussi par ces émulations et ces échanges que je me suis intéressée à des styles, des auteurs, des ouvrages que je ne connaissais pas ou qui me rebutaient.
J’ai vraiment aimé ça, au début.
Parce qu’il y a un hic.
Le deuxième effet kiss-cool, si je puis dire, d’un groupe comme celui-là, géré et administré par une seule personne, c’est que l’on est soumis aux désidératas et à la sensibilité de cet administrateur. Et c’est là un danger, je pense. Parce que pour peu que le gestionnaire ne partage pas notre avis sur telle ou telle œuvre, qu’il soit gêné par nos opinions, ou – si on ne veut pas voir le côté trop jugement négatif – qu’il soit tout simplement indisponible (maladie, problème de réseau, autre occupation), et bien ces petits textes qu’on a mis du temps à écrire, penser et argumenter ne seront pas partagés avec le groupe auquel on pensait pourtant lorsqu’on les a rédigés.
Alors au bout d’un moment (et cinq articles non validés), forcément, on se pose des questions. Ok, j’avoue, on, ici, c’est moi. Donc : je m’interroge sur ce qui a pu déranger dans mes lignes et honnêtement, je me décourage.
« La mauvaise lecture est celle que l’on se reproche secrètement de faire » De Henri Lavedan
Je me suis posée pas mal de question, allant jusqu’à interroger la qualité de mes lectures : je préfère Thilliez à Stendhal, cela fait-il de moi une mauvaise lectrice ? et on ne va pas se leurrer, ne pas avoir de retour sur ce qui dérange dans une publication (ou dans tout évènement de la vie d’ailleurs) ouvre la porte aux doutes, aux questionnements et honnêtement, n’est pas toujours très bon pour l’équilibre mental… (c’est à ce moment-là, que je me dis que je devrais me replonger dans Les quatre accords toltèques, histoire de m’apaiser un peu).
Ce que je veux dire, c’est que dès lors qu’il y a un échange d’opinion sur un outil hypothétiquement ouvert à tous mais géré par une seule et unique personne, on court le risque de se heurter à un filtre arbitraire et partisan qui empêche la libre expression des opinions. Cela s’appelle la censure.
Certes, la modération est par contre tout à fait souhaitable dès lors qu’on porte atteinte aux libertés et aux identités des autres mais ce n’est, je vous rassure - et vous invite à le constater par vous-même - pas mon cas.
Une solution : intégrer un nouveau groupe avec plusieurs administrateurs. Ça, c’est fait.
« Le livre est comme une grotte un peu magique que chacun explore avec sa propre lumière intérieure pour y chercher sa vérité ». Janine Boissard
Je rêve et j’espère pouvoir vivre les groupes de lectures comme dans les romans et les films américains. Vous la voyez, cette scène : quelques personnes dans une pièce, avec le même livre (ou plusieurs sur le même thème), un petit verre de vin blanc ou une tasse de thé, une lumière et des fauteuils confortables, des opinions divergentes mais néanmoins bienveillantes…
Et rire, surtout…
D’ailleurs, je me suis aperçue il y a peu que ce besoin d’échanges autour des livres est tellement ancré que même dans des visions apocalyptiques du futur comme celle présentée dans la série « Snowpiercer », il y a des cercles de lecteurs, des temps de discussions et de partage autour d’un roman (dans l’épisode en question, il s’agissait de Rebecca de Daphné du Maurier, très old school, j’ai adoré le clin d’œil !).
On peut aussi se dire qu’avec la réouverture des librairies et bibliothèque ainsi que la fin des interdits liés à la COVID, les petits regroupements auront de nouveau lieu, pourront être organisés et nous reprendrons, non pas forcément la tasse de thé autour du livre, mais au moins l’habitude d’échanger avec de vraies gens, sans dépendre des administrateurs et de leur bonne (ou mauvaise) humeur. Nous pourrons également nous retrouver dans des cafés, ou même dans le salon de l’un ou l’autre pour se dire ce que nous avons pensé de telle ou telle œuvre. Et rire, encore…
Bref, il me tarde de pouvoir reprendre confiance en moi et en mes lectures. Il me tarde de pouvoir être plus sûre non seulement de mes choix de lecture que de mes ressentis les concernant. Il me tarde de pouvoir organiser des évènements où nous pourrons échanger, parler librement, s’autoriser à ne pas être d’accord tant sur le fond que dans la forme.
Il me tarde enfin que nous puissions nous retrouver, autour des livres, d’une tasse de thé ou éventuellement d’un petit verre de vin blanc, et peut-être un peu moins de cercles virtuels…
« La lecture est une amitié » Marcel Proust
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