Romain Puertolas
Neuf ans ont passé depuis la parution du premier roman de cet auteur, romain que je n’avais pas réussi à terminer. Mais allez savoir pourquoi, j’ai été attirée par celui-ci, et j’en suis ravie !
« (il) se laissa submerger par cet oubli des autres qui ne menait qu’à une seule chose, l’oubli de soi. »
En mars 1976, dans une petite ville d’Arizona, à quelques kilomètres de la frontière mexicaine, Nick, un jeune garçon de 16 ans est porté disparu. Aucune trace de lui. L’enquête débute, tout est flou. Peu de suspect aux yeux du Shérif, pas même les membres de la très contestée secte des Sauveurs qui s’est implantée là six mois auparavant. Les flics piétinent depuis quelques jours lorsqu’une autre adolescente de 15 ans puis un garçon de 13 ans, diabétique, se volatilisent également. Les parents, les mères surtout, suivent l’enquête, ne lâchent rien et veulent non seulement que leurs enfants leur soient rendus mais également que justice soit faite. Elles sont persuadées que les hippies fanatiques nouvellement arrivés sont les responsables. Après tout, depuis leur arrivée, la petite ville tranquille ne souffre-t-elle pas davantage de vandalisme et de consommation de drogues ? Elles harcèleront les forces de l’ordre jusqu’à ce que le gourou soit interrogé et le sanctuaire perquisitionné. En vain.
De fil en aiguille, on en apprend davantage sur les habitants de la petite ville jusque-là sans histoires, sur le parcours d’Ortega, le chef de la communauté - un ancien chef d’entreprise mexicain, persuadé d’être le Christ ressuscité - et sur les ovnis qui survolent le paysage lors des nuits sans lunes.
Une page après l’autre, on se perd dans le labyrinthe de pistes, de secrets, de machination, au même titre que le shérif Liam Golden et son adjoint. Jusqu’à ce que la vérité éclate, nous laissant pantois, surpris et, oui, ravis…
« L’homme n’a nul besoin de s’inventer un diable, il y a les autres hommes pour cela. »
J’étais restée bloquée sur le fakir coincé dans une armoire Ikea que je n’avais pas réussi à lire. Rien à faire. Les préjugés ont la tête dure. Et puis je ne sais pas, cette couverture, cette accroche, le lieu et le temps de l’action, je me suis dit que, peut-être… et je devais aussi prendre le risque de me confronter à quelque chose qui pourrait ne pas me plaire mais plaire aux usagers de la bibliothèque. Je suis la première à bénéficier de mon erreur de jugement. Je me suis régalée. Vraiment.
J’ai trouvé dans l’écriture un je ne sais quoi de Joël Dicker (que j’aime beaucoup), un zeste de Liane Moriarty (que j’adore), une vague de nostalgie pour les années 70, et surtout une sorte d’hommage pour les mères courages bien souvent oubliées ou dénigrées, surtout dans ce temps là.
Le style et l’écriture sont fluides, la narration bien documentée (malgré la distance entre le lieu de l’écriture et le lieu de l’action) et même si je dois avouer que je me suis doutée avant la fin de l’issue de l’enquête, il n’en reste pas moins que j’ai passé un excellent moment avec Puertolas. J’avais vraiment l’impression d’être en Arizona, de partager les émotions des personnages, qu’il s'agisse de la rage et du chagrin des femmes ou de l’entêtement et de la perplexité du shérif.
Je me suis laissée prendre dans la toile tissée avec brio par cet auteur auquel je vais définitivement accorder du crédit, quitte à retenter le Fakir. Merci pour ce moment !
« Quelques fois, il fallait se résoudre à penser que certains mystères demeuraient sans réponse, résistaient à se laisser percer à jour »
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