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Ma vie de cafard

Joyce Carol Oates

« On ne cesse pas d'espérer parce que sinon, que reste-t-il ? »

Années 80, South Niagara, état de New-York. Violet-Rue est la dernière d’une fratrie de sept enfants. Elle est la préférée de son père, qu’elle idolâtre comme elle le craint. D’origine irlandaise, les Kerrigan ne sont pas une famille dysfonctionnelle mais pas loin.

Un soir, les deux frères aînés de la gamine de 12 ans renversent et battent à mort un jeune garçon de 17 ans. Hadrian Johnson est noir. Violet assiste à l’enterrement de l’arme du crime. Elle sait. Elle jure qu’elle ne dira rien. Mais un jour de fièvre, un jour de faiblesse, un jour de chagrin, elle finit par cafarder et parler de ce qu’elle a vu. Elle est du coup enlevé de sa famille, placée chez une tante, loin de ses parents qui ne lui pardonnent pas d’avoir parlé. De témoin, elle devient la coupable. Celle par qui l’incarcération de ses aînés est possible, celle à cause de qui le plus âgé meurt en prison, celle qui est en cause dans le refus de conditionnelle au puiné.

Les années passent, pas la culpabilité, pas le chagrin, pas la honte. Elle non plus ne se pardonne pas, parce qu’elle n’obtient pas l’absolution de sa famille. Parce qu’elle n’était qu’une enfant fiévreuse, qui a eu peur pour sa sécurité et qu’elle a attrapé la main qui se tendait et que ce geste, ces mots, ont entraîné reniement, abandon, colère.


« Quand vous attendez, vous n’êtes ni malheureux ni heureux. Vous attendez.»

Sous couvert d’un drame familial, c’est la question raciale qui est posée une nouvelle fois dans ce roman de l’américaine. Elle dresse un portrait sévère des USA des années Reagan. Le racisme est partout, tout le temps, même s’il est tu et caché. Racisme anti-noirs, racisme anti-blancs. Rejet, culpabilité, honte… Et autopunition. Violet ne se pardonnera jamais ce qu’elle a fait. Elle s’infligera des mauvaises rencontres, des mauvais traitements. Elle se laissera faire sans rien dire car dire, dénoncer, c’est cafarder, pire que commettre. Les rancœurs ont le cuir dur, à priori surtout chez les irlandais. Et même après 15 d’exil et d’éloignement, malgré les efforts et les faux-semblants, on pardonne à ceux qui ont pêché, pas à ceux qui ont parlé. Au même titre que le fleuve Niagara, Violet chute, violemment. Sans pouvoir se relever.

Quelques longueurs, des passages dont on a du mal à comprendre l’intérêt quand on est dedans mais qui prennent tout leur sens une fois le livre terminé et vu dans son ensemble. Plus que le pardon des autres qu’elle recherche et qu’elle souhaite, c’est sa propre culpabilité que Violet s’inflige et qui la pousse toujours plus loin dans la fuite, dans la crainte. A 27 ans, elle est toujours cette gamine de 12 ans qui a voulu être protégée par les siens et qui a été rejetée, au profit de ses frères, des assassins.

Lecture intéressante, quoiqu’un peu longue. Lecture formatrice, dérangeante, à digérer pour ce qu’elle est : un visage pas très harmonieux des Américains.


« … manquer de cœur signifiait survivre. Extirper le passé comme une mauvaise herbe ? »

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