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Memorial Drive

Natasha Trethewey

"J'ai toujours aimé le contact des livres, cette façon qu'ils ont de donner littéralement du poids aux mots et d'en faire un objet sacré que je peux tenir entre mes mains".

Je m’étais pourtant promis d’arrêter avec les romans de la rentrée littéraire 2021. Mais c’était sans compter sur la visite à la bibliothèque de Nathalie Lacroix venue nous présenter sa sélection samedi dernier lors du premier « Parlons bouquins » de la saison. Pendant sa visite, elle a parlé entre autres de cet ouvrage, Memorial Drive. Il y était question d’enfant métisse, de recherche d’identité, de difficultés à se trouver, de femmes battues, de deuil, de tentative de reconstruction…


Natasha est le fruit de l’amour entre un homme blanc et une femme noire. Elle est le meilleur des deux mondes. Elle ne sait pas bien qui elle est, ni où elle va, dans le Mississippi des années 60, encore marqué par la ségrégation. Mais elle est heureuse, entourée de sa mère brillante, de son père érudit et de sa famille maternelle.


"Elle savait qu'en tant qu'enfant métisse - à mi-chemin entre eux deux -, je serais au bout du compte seule dans ce voyage pour comprendre qui j'étais, quelle était ma place dans le monde, tout en portant les fardeaux invisibles de l'histoire, à cheval sur la métaphore".

Lorsque ses parents divorcent, et que sa maman décide d’emménager à Atlanta, Natasha ne se doute pas de l’enfer qui va suivre. Le sien en demi-teinte. Celui de sa mère d’une couleur et d’une violence vives.

En effet, Gwendoline va se remarier avec Joel. Un homme violent, manipulateur, castrateur. Un pervers narcissique. Un homme cruel qui finira par tuer celle qu’il dit aimer au-delà de tout, même au-delà de la mort. Natasha a alors 19 ans.


Il aura fallu trois décennies et une rencontre fortuite avec un des enquêteurs de l’époque pour que l’auteure accepte de revenir sur ce drame, sur ses causes, sur ses conséquences. Des conséquences dramatiques et lourdes pour l’adulte qu’elle est devenue.

Natasha a dû se faire violence pour reprendre l’intégralité du dossier traitant de la mort de sa mère. Elle a dû se confronter aux preuves et aux souvenirs, ses souvenirs qu’elle avait passé une vie à tenter d’enterrer. Elle nous livre ici un récit poignant, non seulement sur sa condition d’enfant métisse, mais également sur son positionnement en tant que victime collatérale de la violence conjugale.

C’est une confession, un récit plein d’émotions et de culpabilité sur ce que Natasha pense qu’elle aurait dû ou pu faire pour protéger sa mère. C’est une tentative désespérée de faire la paix avec soi-même, et d’aller de l’avant, sans être oppressée par le poids du passé.


"C'est long, trois décennies, pour apprendre à reconnaître les contours de la perte, pour arriver à créer une intimité avec son propre chagrin. On s'y habitue. La plupart du temps, il reste distant, toujours à l'horizon, voguant vers moi avec sa pesante cargaison".

C’est parfois un peu lourd et difficile à lire, mais très prenant, car on se prend à espérer la guérison avec la narratrice et on ne peut s’empêcher de l’aimer, d’être empathique, et de vouloir la consoler. C’est aussi un portrait de la situation des noirs américains et de leurs enfants métisses dans une société pas si moderne qu’elle prétend l’être…

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