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Mille petits riens

Jodi Picoult

L’an dernier, à peu près à la même période, je faisais connaissance avec Jodi Picoult et sa « Tristesse des éléphants ». On m’avait chaudement recommandé de me pencher sur ces mille petits riens, et j’avais laissé cette recommandation de côté… jusqu’à ce que je tombe dessus dans une librairie d’occasion qui a fait le larron.


2015. Ruth est infirmière en obstétrique depuis 20 ans. Elle a suivi un cursus d’excellence à l’université de New-York puis à l'école des infirmières de Yale. Elle a du se donner deux fois plus de mal que les autres étudiants pour atteindre ses objectifs, parce que Ruth est noire.

Un jour de novembre, un bébé meurt. Les parents, des suprémacistes, ont exigé que Ruth soit dessaisie du dossier de leur enfant. A la suite du décès du nourrisson, une accusation de meurtre est lancée contre l’infirmière qui sera défendue par une avocate commise d’office. Cette dernière va s’emparer de l’affaire : la force et la détermination de sa cliente l’hypnotisent et lui ouvriront bien vite les yeux sur la dimension raciale du drame.


« Perdre des êtres chers nous aide à être plus attentifs à ceux que nous aimons et qui sont encore là. C'est la seule explication possible. Parce que sinon, dieu ne serait qu'un sale fils de pute »

Au delà d’un nouveau fait divers ayant pour thème la discrimination, Jodi Picoult aborde ici, avec brio, ce qui est induit par l’éducation basique des américains. Le fait est que l’Histoire de ce pays, ce qu’il a vécu, ce qu’il est devenu, est conditionné par la place laissée aux Afro-Americains. Ils doivent, de fait, être plus courageux, plus forts, plus volontaires et plus combatifs que leurs concitoyens blancs. Et ces derniers n’ont aucune conscience du privilège qui est le leur.

L’auteur, blanche elle-même, a pris le parti de prendre trois voix : celle de Ruth, celle du suprémaciste blanc Turk, et celle de l’avocate Kennedy. En plus de dénoncer les comportements visibles de la société américaine (discours, violences, crimes à portée raciale), elle souligne tous les petits riens, toutes ces petites choses auxquelles les blancs ne prêtent pas forcément attention, parce qu’ils ne sont pas concernés : davantage de contrôles d’identité, davantage de surveillance dans les magasins, des gestes de recul ou des regards inquiets, voire accusateurs. L'étonnement face à la réussite et l'élévation sociale. Kennedy, en défendant le cas de Ruth, va prendre conscience de cela et nous livrer tout de go, de manière brute et sans filtre sa prise de conscience : elle est une privilégiée, juste parce qu’elle est née de la bonne couleur. Et jusqu’alors, elle n’avait pas réalisé que c’est une chance.


« Je parle d'équité. L'égalité consiste à traiter tout le monde de la même manière. Alors que l'équité implique de savoir tenir compte des différences de chacun afin que tout le monde ait une chance de réussir ».

L’écriture de Picoult est belle, elle est incisive. Ses réflexions sont justes, justifiées et justifiables. Elle pointe du doigt une problématique profondément ancrée dans la société américaine (mais pas que ?), dont elle-même s’est rendue involontairement coupable. Ce roman est un coup de poing : il interroge les convictions, les comportements et surtout surtout l’idée que nous avons de nous-mêmes. Au-delà d’une belle histoire, c’est avant tout une grande leçon d’humilité et une invitation à interroger nos attitudes et nos comportements, individuels et collectifs.


« Combien faut-il d'exceptions avant de commencer à se rendre compte que les vérités qu'on nous a assénées ne sont peut-être pas si vraies que ça en réalité ? »

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