Lieve Joris
Je continue mon voyage en Afrique, au Congo plus particulièrement. Après le règne de Léopold II entre la fin du XIXème et le début du XXème, c’est sous le pouvoir de Mobutu que je découvre le Zaïre.
« Sur le bateau, entre ces deux mondes, le passé est toujours vivant. »
Lieve a été élevée dans le culte de son Oncle, missionnaire au Zaïre pendant plus de 40 ans. A chaque retour en Belgique, il partageait avec sa famille ses récits sur ce pays lointain et magnifique, où chaque jour était une aventure.
Devenue adulte, l'écrivaine décide d’aller découvrir ce pays. Avec la protection des missions catholiques, elle part à la recherche de ce qu’a vécu son oncle. Ses premiers contacts avec les colons la mettent mal à l’aise, une femme blanche, seule de surcroit, ne part pas à l’aventure sur les terres de Mobutu. Que pense-t-elle trouver dans ce pays ? Pourquoi vouloir s’éloigner de la ville, de la procure, des blancs ?
« … je commence à réaliser que la couleur de la peau, que j'avais toujours vue comme une barrière, ne constitue peut-être pas une véritable séparation.»
Mais Lieve est curieuse et courageuse. Elle s’accroche à ses souvenirs et à sa curiosité. Et alors qu’elle était partie à la recherche de son passé et de celui de son oncle, elle découvre un pays, un régime, des coutumes. Elle voit et entend rire, danser et chanter. Elle est confrontée au plus grotesque et s’émerveille devant le plus beau. Le Zaïre, actuelle République Démocratique du Congo, a été le royaume de Mobutu de 1965 à 1997. Dictateur, il agit dans son intérêt aux dépens de celui de ses citoyens, de son pays… en dépit de tout sauf de ses avantages personnels et du culte de sa personnalité.
La jeune belge ne cède pas à la peur de l’inconnu et du régime, elle va à la rencontre de tout le monde et procède à une découverte détaillée du cœur de l’Afrique, subissant les absurdités du pouvoir en place et d’un progrès en décalage.
« Cette rencontre va m'entrebâiller la porte du monde zaïrois que je ne regarderai plus de l'œil des Blancs, ni de mon œil encore déconcerté… »
“Notre royaume n’est pas de ce monde” m’a fait découvrir un Congo bouffé jusqu’à la moëlle par un roi Belge qui ne voyait en ces terres qu’un moyen de s’enrichir, faisant fi de la condition des indigènes. 80 ans plus tard, peu avant la chute de Mobutu et du Zaïre, Lieve Joris nous dépeint un pays qui a certe obtenu son indépendance grâce à l’action non-violente de Lumumba en 1960, mais qui a vite rechuté dans une autre sorte de dépendance, celle de la dictature imposée par Mobutu.
« C’est ça le problème ici, dès que quelqu’un tombe en disgrâce, tout ce qu’il a accompli tombe aussi en disgrâce.»
Mais au-delà des considérations politiques, c’est avant tout un portrait social, ethnographique, géographique que nous offre l’auteure de ce livre. Il ne s’agit pas tant de dénoncer l’omniscience du président et la corruption des administrations que de mettre en valeur le peuple, les centaines d'ethnies qui le composent, les paysages, les richesses humaines bien plus précieuses que les minerais ou autres matières premières. Même si la politique est omniprésente dans le récit, ce qu’il faut retenir de ces pages c’est que le la RDC, qui est le second plus vaste et troisième plus peuplé pays d’Afrique est un diamant brut dont on aurait tout intérêt à prendre le plus grand soin. J’ai maintenant besoin de prendre un peu de distance avec ce beau territoire car malgré mon envie impérieuse de le découvrir par moi-même, je ressens la nécessité de m’éloigner des horreurs subies par ces populations qu’il me tarde de rencontrer.
« … les missionnaires disaient toujours qu’ils nous apportaient quelque chose de mieux, mais ils ne montraient jamais qu’il existait aussi des choses valables dans notre culture.»
Comments