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Nuit nigériane

Mélanie Birgelen

« On peut clamer sa liberté sexuelle avec un bout de tissu. La mode, lorsqu’elle embrasse la politique, peut bousculer les mœurs, la foi, les lois. »

Abuja, Nigéria. Dans la ville nouvelle, en pleine effervescence, Olujimi se rêve créateur de mode, star des podiums et des médias. Il a plein d’idées, plein d’idéaux aussi, malgré son récent chagrin d’amour. Un journal populaire lui consacre un jour un court article. Dans celui-ci, Jim revendique le droit à la liberté sexuelle, affichant ouvertement son androgynie par le cliché d’illustration. Alors que l’Europe le remarque et lui propose de venir présenter ses créations à la Fashion Week de Berlin, réalisant ainsi son rêve de reconnaissance, son pays, ses proches, sa famille, la toile l’accablent. L’homosexualité est un pêché, une honte. Noyé sous les messages de haine et les menaces, il en oublie les soutiens qui se perdent dans la fange de la violence et se terre, se cache, s’enlise dans la dépression.  

En parallèle, Zainab, jeune chroniqueuse télé au fait de sa gloire, tente de diffuser des bonnes ondes tous les jours dans une émission matinale d’info. Elle est porteuse d’espoir et cherche les sujets qui peuvent aider à transmettre de la bonne humeur et de l’espoir à ses concitoyens. C’est dans cette quête qu’elle trouve l’article concernant Olujimi, et elle décide de le trouver, de le mettre en lumière. C’est en partant à sa suite qu’elle se rend compte de tous les contrastes de ce pays dans lequel elle a grandit, qui se revendique moderne, ouverte, démocratique, mais où l’intolérance et la violence règnent, où la richesse et le paraître d’une élite  occultent la misère du peuple et des gens normaux. 


« C'est à moi d’élever mon pays, c’est moi qui n’ai pas le droit de le laisser tomber. Le pays évolue avec moi, au rythme de mes réalisations, de nos efforts à chacun. Le pays, c’est nous »

Ce premier roman de la jeune journaliste Birgelen partait déjà avec un avantage : situer son action dans le Nigéria moderne. C’était un pari risqué mais réussi de se pencher sur la question de l’identité et l’orientation sexuelles dans un pays tourné vers l’avenir mais où la principale maîtresse reste l’intolérance. En mettant en parallèle les religions de Zainab, musulmane et de Olujimi, catholique, l’auteure montre que l’homophobie n’est pas l'apanage d’un culte mais bien un problème culturel ancré et tenace.

A bien des égards, ce roman m’a fait penser au Sénégal : celui d’Hadrien Bels dans Tibi la Blanche, celui de Mbougar Sarr dans De purs hommes. La violence n’est pas le seul fait de Boko Haram qui fait malheureusement des ravages dans toute l’Afrique de l’Ouest mais aussi et surtout du refus d’accepter l’Autre dans son entièreté, dans son intégrité. Sous le couvert de la foi, une famille coupe les vivres de son fils, des gens sont menacés, tabassés, tués même. 

Un éclairage sur le chemin qu’il reste à parcourir pour que la modernité soit totale : on peut maîtriser les réseaux sociaux, organiser des élections démocratiques, développer des applications web et mobile, tant que l’homophobie reste présente et que des gens sont en danger à cause de leur orientation sexuelle, alors c’est encore le moyen-âge, c’est encore une société perfectible, encore des personnes qui n’ont pas compris que seul l’Amour compte, de manière inconditionnelle et pas seulement pour un public choisi qui coche les cases de la bienséance et des commandements d’un autre temps. 

Il reste du chemin à parcourir et Mélanie Birgelen le dit, avec bienveillance et délicatesse.


« Laisse parler tes émotions, au fond de toi, sans en avoir peur (...). Tu y verras plus clair. Surtout, accepte ce que tu ressens. »

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