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Petite sale

Louise Mey

« La terre est riche. Parfois, elle y pense - la terre est riche. La boue est riche. Elle pas. Tout le monde est plus riche qu'elle, même la boue. »

Février 1969. Dans l’Aisne, une exploitation agricole. Un domaine régi par un homme puissant, sévère, exigeant, qui emploie la moitié du village et impacte l’autre moitié. Monsieur Demest se veut seigneur et empereur, maître de tout et de toute le monde. Mais en cet hiver rigoureux, on s’en prend à lui, ou plutôt on s’en prend à sa puissance en kidnappant sa petite fille, Sylvie, 4 ans, en plein milieu de la cour de sa propriété. La bonne qui s’en occupait à ce moment-là n’a rien vu, rien pu faire, empêchée dans ses mouvements par un ouvrier harcelant.

La domestique, celle que tout le monde ignore et à laquelle personne ne fait attention, c’est Catherine. Elle a 19 ans, se charge de toutes les corvées, est partout, invisible, transparente, insignifiante. Travailleuse, courageuse, elle doit se faire la plus petite possible parce qu’on trouve qu’elle fait sale. Elle n’est pas longtemps embêtée par les forces de l’ordre, elle ne compte pas.

Monsieur Demest veut que tout soit mis en œuvre pour retrouver l’enfant mais aussi pour que cela lui coûte le moins possible. Pingre à l’excès, il exige que la Police Nationale vienne prêter main forte à la gendarmerie sur cette enquête. La demande de rançon s’élève tout de même à 2 millions de francs pour cette gamine !

Alors Paris envoie Gabriel et Dassieu, dans la boue, dans le froid, dans l’humidité de ce village qui va, peu à peu, révéler ses secrets et ceux de ses habitants, à commencer par ceux du maître du domaine qui a bien des choses à se reprocher, quoi qu'il en pense !


« … être riche, c’est avoir le luxe de décider devant qui on doit avoir honte.»

J’avais découvert Louise Mey par hasard avec Les ravagé(e)s, polar que j’avais trouvé absolument brillant. Du coup, avant de me lancer à la découverte de cette nouveauté, je ne me suis pas posé de question. Je m’attendais à retrouver les mêmes surprises, les mêmes retournements, le même engagement. Mais non.

Le contexte - historique et géographique - nous plonge dans une autre dimension. Autre temps, autre lieu, autres mœurs. On retourne dans une France rurale, au lendemain des événements de 1968, dans un village de l’Aisne où la révolution n’est pas encore arrivée. Dans ce village en général et dans cette exploitation en particulier, les femmes se doivent d’être soumises, obéissantes, sans ambition, sans importance. Le droit de cuissage, le servage, la discrimination… tout ça, c’est encore d’usage chez les maîtres. Et quand Gabriel, jeune flic parisien, moderne, amoureux d’une italienne au caractère bien trempé, se trouve confronté à cette France d’une autre époque, c’est un choc.

Au-delà de l’enquête, qui finalement n’est pas ce qui retiendra le plus l’attention du lecteur, c’est cette vie archaïque du petit village qui n’a pas pris le train du progrès, parce que Monsieur maintient la rame. Mais, sûr de lui et de sa puissance, il ne se rend pas compte que les choses évoluent, que les temps changent, que les gens ne sont pas ce qu’ils semblent être.

En suivant, de loin en loin, le modèle narratif de Lemaître ou de Japrisot, Louise Mey propose un retournement qui rende justice aux invisibles, aux faibles dont on a tort de ne pas se méfier, finalement… Bon moment de détente, qui ne figurera pas dans le top 10 de cette année mais aura eu le mérite de me changer les idées agréablement.

« Les hommes qui se prennent pour des gens bien ne veulent jamais reconnaître à quel point ils peuvent faire du mal. »

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