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Petite soeur mon amour

Joyce Carole Oates



"Il est plus difficile de vivre que de mourir. Tu dois être un combattant de ta propre vie!"

Première rencontre avec cette grande dame de la littérature américaine Première rencontre et non des moindres. Dans ces quelques 670 pages, l’auteure se met dans la peau de Skyler, jeune homme de 19 ans, paumé, en désintox, tentant tant bien que mal de garder la tête hors de l’eau en partageant avec le lecteur la triste histoire de sa courte vie.


Parce qu’il se trouve que Skyler, avant d’être un jeune adulte perdu, était un enfant un peu perdu aussi. Et pour cause. Fils chéri d’une femme ayant plus d’ambition que de talent, il a été encouragé et poussé à réaliser les rêves de réussite de ses parents. Et puis il a échoué. Il a échoué alors que sa petite sœur, de deux ans sa cadette, a réussi et est devenue une étoile montante du patinage artistique. Cette gamine de 4 ans, sur des patins à glace, en faisant toujours plus pour faire plaisir à maman, sera à la fois la lumière et la malédiction de Skyler. Ne reculant devant aucun excès, la mère des enfants mettra tout en œuvre à la fois pour assurer la gloire à sa fille et avoir la paix avec son fils.

Mais la petite star des patinoires est un jour retrouvée morte dans la chaufferie de la propriété familiale. Et l’enfer du petit garçon devient de plus en plus profond. Rejeté par ses parents, culpabilisé, ignoré, interné, Skyler est persuadé d’avoir lui-même tué sa petite sœur.


Pour rédiger ce roman, Oates s’est très librement et très grandement inspirée d’un fait réel qui s’est déroulé dans les années 1990 aux USA : une mini-miss avait été retrouvée assassinée chez elle et à ce jour, on ne sait toujours pas qui a commis le crime.

Ce fait divers, somme toute (et malheureusement) pas si banal que ça, est traité ici avec brio. Le Skyler de 19 ans nous raconte sa version des faits : il tente difficilement de prendre de la distance avec l’enfant qu’il a été, en alternant le « je » et le « il » ; il passe beaucoup de temps à dépeindre sa vie de famille avant le drame : l’excentricité de sa mère, la folie des grandeurs de son père, la place de la religion, le danger du conservatisme, le poids des apparences et de la réussite sociale. Il faut avant tout faire bonne figure, être bien vu, bien entouré, ne pas faire de vague, réussir. Et surtout, surtout, n’avoir aucune faiblesse.


Skyler et Bliss (la fameuse petite sœur) se soutiennent, se comprennent, s’aiment, au milieu de ces adultes qui veulent en faire ce qu’ils ne sont pas : des poupées, des modèles, des stars. Ils naviguent entre la rivalité naturelle de toutes les fratries et l’amour sans limite, celui qui fait se lever et se battre pour l’autre. Ils ont beau être déchirés et montés l’un contre l’autre par leurs propres parents, ils n’en restent pas moins un grand frère protégeant sa cadette, une petite sœur adulant son aîné.


C’est un roman poignant, avec lequel il faut parfois s’accrocher car Oates maîtrise tellement le ton et la syntaxe du jeune homme sous emprise que les phrases sont parfois alambiquées, à rallonge et parsemées de notes de bas de page très nombreux et très longs (notes de bas de pages qui sont à la fois des compléments mais aussi des éléments primordiaux pour la compréhension de la narration !).


"Qu'est-ce que le corps physique, à la base, sinon quelque chose qui vous laisse tomber quand on en a besoin ? C'est l'opinion de Skyler".

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