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Monsieur Romain Gary - Consul général de France (1956-1960)

Kerwin Spire

« La diplomatie, c’est une chambre d’hôtel pour la vie… »

Pour celles et ceux qui ne le savaient pas encore, je me dois d’être complètement transparente : je suis une grande fanatique de Romain Gary à qui je vous un culte sans limite. Je le collectionne, littéralement. Il a son étagère dédiée dans ma Billyothèque qui commence d’ailleurs à être un peu étroite. Alors lorsque j’ai vu ce récit sur les 4 années que l’auteur avait passé à LA, je n’ai pas réfléchi très longtemps, ce livre était pour moi !

«… lorsque vous lâchez un troupeau d'éléphants comme moi à travers l'Afrique, (…) vous ne pouvez pas le faire dans le langage de La Princesse de Clèves… »

En 1956 donc, Romain Gary est dans la Carrière depuis une quinzaine d’années. Après la guerre et ses nombreuses décorations, il est devenu diplomate, a été envoyé un peu partout et a, à chaque fois, fait ses preuves. Il s’implique dans sa fonction tout en écrivant. Il a entamé il y a peu la rédaction de ses Racines du Ciel et c'est à L.A., qu’il les termine. C’est une période historique qui n'est pas la plus glorieuse pour la France et sa situation algérienne. Il faut au Consul Général faire preuve de beaucoup de délicatesse pour séduire et rassurer les américains en général et les californiens en particuliers, puisque ces derniers voient d’un très mauvais œil la progression des communistes dans l'hexagone.

Avec verve et charisme, il va rétablir la situation, redresser la barre du consulat et, pendant son temps libre (qu’il se libérera parfois sans l’aval de la hiérarchie) mettre le point final à ce qui deviendra son Premier Prix Goncourt. Dès lors, il passe du côté des stars : un Consul lauréat de la plus haute distinction de la littérature française, vous pensez !

Il travaillera ardemment sur l’adaptation cinématographique des Racines au cinéma, puis se lancera dans d’autres projets comme Lady L. et surtout, surtout, La Promesse de l’Aube, récit avec lequel il veut rendre hommage à sa mère tout en se libérant des ambitions de cette dernière.

C’est au moment de sa rencontre avec Jean Seberg et du succès de libre autobiographie qu’il décide de se consacrer entièrement à l’art, plaquant la Carrière et sa femme, Lesley Blanch par la même occasion. Pour commencer à vivre la vie qu’il se sera choisie, enfin.

« L'art n'est pas la solitude, dit Camus, c'est au contraire un moyen d'être relié à ses contemporains en puisant dans les souffrances et les joies communes. »

Qui s’intéresse un peu au personnage de Gary sait qu’il a été un héros de guerre, un compagnon de la Libération, un écrivain, un scénariste, un grand nom de la littérature qui a berné son monde avec son personnage fictif d’Emile Ajar. Mais la carrière diplomatique de l’homme n’est pas la plus connue et, même si Spire ne se consacre ici qu’aux années passées en Californie, elles suffisent à comprendre l’amour et le dévouement que Gary nourrissait envers la France, particulièrement en cette période troublée de la guerre d’Algérie qui a vu revenir au pouvoir le Général de Gaulle.

De l’autre côté du monde, le Consul se donne corps et âmes à la tâche de redorer le blason de son pays d’adoption et de nourrir l’amitié des deux nations. On en apprend beaucoup sur les amitiés, les craintes et les suspicions de celui qui était l’ami de Malraux et Camus mais qui ne s'acoquine pas avec Sartre et sa bande de Saint-Germain-des-Prés. Sensible, empathique, charmeur, Gary a aussi une vision très perspicace de la situation géopolitique et des enjeux de la décolonisation dans les rapports Franco-Américains. Il sait ce qu’il faut dire et faire pour apaiser les appréhensions et quelles ficelles tirer pour manipuler la presse et les lecteurs. En parallèle de ses succès diplomatiques, il va connaître la gloire littéraire et souffrir de la superficialité des californiens, ce qui le poussera à s’enfermer toujours plus sur lui-même et ses écrits.

Un portrait délicat, plein de finesse et d’humour d’un homme qui n’en manquait pas, mais qui nous manque cruellement aujourd'hui.

« la peine de mort me paraît une goutte minuscule d'un vase de merde et de sang qui ne débordera jamais »

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