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S'adapter

Clara Dupont-Monod



Je ne connais Clara Dupont-Monod que depuis peu, grâce à cette excellente émission qu’elle animait sur France Inter, Livre et Châtiment, qui a malheureusement été retirée de l’antenne. Je savais qu’elle écrivait mais c’est vraiment grâce à son prix Femina 2021 que j’ai cédé à la curiosité.


Une fratrie. Quatre enfants. L’aîné, la cadette, le dernier. Et le troisième ? C’est l’Enfant. Aucun n’a de prénom, mais chacun à une place, un caractéristique, et tout se passe autour de l’enfant, l’inadapté. Quand il a quelques mois, la mère se rend compte qu’il y a un problème. Pensant à une simple cécité, des examens sont faits. Ce bébé n’est pas juste aveugle. Il est complètement paralysé. Il grandira mais de corps, seulement. Dès lors, l’équilibre familial est bouleversé. Normal.

L’aîné est celui qui s’investira le plus dans le développement de son petit frère, de neuf ans son cadet. Soucieux de ses moindres réactions, de ses faits et - tout petits - gestes. Il s’emploiera à le protéger, l’entourer, lui faire découvrir tout ce qu’il est possible de découvrir lorsque seuls les oreilles et le nez d’une personne sont réactifs.

« C'est tout ce qui lui reste de l’enfant, le chagrin. Il ne peut s’y soustraire ; cela voudrait dire perdre l’enfant définitivement.»

La cadette, elle, vivra ce benjamin handicapé comme un poids, un secret honteux. Elle refusera tout contact avec lui avant de se rendre compte de la place prise par ce frère pas comme les autres, et surtout du vide laissé derrière lui. Elle s’emploiera alors à la reconstruction de ceux qu’elle aime, sa famille.

Et puis il y a le petit dernier. Celui qui est arrivé après. Celui qui n’a rien connu de ce qui a été le drame de sa famille pendant dix ans et qui porte pourtant le poids de ce frère disparu. Ce petit dernier qui héritera de la sagesse, de la gentillesse, des moments de complicité avec les autres membres de la famille qui ont un passé commun, sans lui. C’est lui qui apportera un nouveau souffle, parce qu’une nouvelle vie, de nouveaux espoirs.

« Elle mesurait le chagrin de n’avoir plus son aîné près d’elle, (...). Elle se demandait comment faire le deuil d’un vivant.»

Ce roman est court, poétique, percutant, touchant, émouvant. Je ne sais pas comment on pourrait ne pas être sensible à tant d’amour et de détresse. A tant de dévouement aussi. Et cette fratrie, qui existe, dans son unité mais aussi dans l’individualité de chaque enfant. Comme les pierres des murs qui témoignent de ce qu’elles voient et entendent, chacun d’entre eux est un élément d’un tout. Il suffit qu’une pierre soit descellée pour que tout s’effondre. Mais le mur, comme la famille, tient. A force d’amour, de patience, de dévotion. Les différences ne divisent pas, elles rapprochent.

C’est un récit juste sur le handicap, mais pas dédiés réellement aux handicapés. Comme Camille Kouchner parlait du poids du secret de l’inceste sur un proche, Clara Dupont-Monod s’intéresse aux conséquences du handicap sur les proches, et c’est avec bienveillance qu’elle décrit les réactions et les colères, la rébellion comme le dévouement.

« Dira-t-on un jour l’agilité que développent ceux que la vie malmène, leur talent à trouver chaque fois un nouvel équilibre, dira-t-on les funambules que sont les éprouvés ? »

Un livre bouleversant à lire absolument…


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