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Safari

Sabri Louatah

« On obéit à la voix du père parce qu'il nous aime et parce qu'il sait. »

Notre protagoniste vit à Chicago avec sa femme, son fils de 4 ans et son chagrin. Depuis 20 ans, son père a disparu. Du jour au lendemain, sans laisser de trace. Cet homme fantasque, sans situation professionnelle mais porté par son amour pour ses enfants est parti un matin au PMU et n’a plus jamais donné signe de vie. Impossible de faire le deuil de quelqu’un quand on ignore s’il est mort ou non.

Un jour qu’il se promène avec son petit garçon, notre héros perd connaissance. Quand il reprend ses esprits, il entend la voix de son papa, revenue du passé. C’est en fait le timbre de Gabriel, un homme originaire des Caraïbes qui s’adresse à nous en français et qui a retrouvé Elliott dans la Serre du musée d’Histoire Naturelle. En parlant au narrateur, il réveille en lui le souvenir du passé et l’obsession pour son père. Cette lubie va se déplacer sur l’homme qui a la voix du disparu. Le narrateur va faire en sorte de se rapprocher de Gabriel, de s’en faire un ami, de lui faire dire des phrases qui ont été ou auraient pu être prononcées par l’absent. Il vit dans les souvenirs, réels ou imaginés, laissant de côté tout le reste.

De rendez-vous en filature, de rencontre en appel, Gabriel prend toute la place dans la tête et le cœur de notre héros pour qui le thème de la disparition a une place dominante, tant dans sa psyché que dans sa vie professionnelle, puisqu’il est écrivain privé pour des personnes ayant subi la même tragédie que lui et pour qui il rédige des romans sur ce que sont devenues les personnes volatilisées.

20 ans après le départ inexpliqué du père donc, la vie du narrateur explose, par la simple apparition dans sa vie d’une voix… Son mariage avec une psychologue matrimoniale en prend un coup, tout comme ses rapports à ses proches : sa sœur, sa mère, leurs maris et même le petit Elliott… 


« Parfois dans la vie on a besoin d'aide pour apprendre à se séparer de ceux qu'on aime, pour leur bien. »

Présenté dans une émission littéraire sur le thème de l’absence, ce roman avait tout pour me plaire, et pourtant, je n’ai pas trouvé autant de plaisir à le lire que j’en avais eu à écouter son auteur. On sent la maîtrise du sujet, la douleur de l’absence, la perte de repères lorsque le narrateur est confronté au passé et à ses souvenirs. On sent la fuite en avant, le besoin de savoir d’où il vient pour pouvoir prendre la bonne direction. On comprend aussi tout ce à quoi il tente d’échapper et sa fascination pour la disparition en général et les personnes qui s’évaporent en particulier, même dans la peinture.  

On comprend son besoin de combler le manque qu’il a ressenti, l’absence pesante du père qu’il veut combler en étant pleinement disponible pour son petit garçon de 4 ans, qui n’est pas scolarisé et reste avec lui tout le temps. On comprend tout. On discerne tous les éléments d’une bonne intrigue et les emboîtements pour que la magie opère. On voit même le processus se lancer. Mais en ce qui me concerne, je l’ai vu comme à distance, sans être touchée, impliquée dans la narration d’un protagoniste qui m’a été un peu antipathique. 

Le personnage de Gabriel aurait gagné à être davantage exploité, même si je conçois que le mystère qui l’entoure participe à l’intrigue et à désarçonner le héros et le lecteur : qui est-il, d’où vient-il, comment et pourquoi débarque-t’il dans la vie du narrateur, justement au vingtième anniversaire de la disparition du père ? 

Bref, il y avait de quoi faire sans les éléments que je définirais comme perturbateurs et qui ont gêné mon appréciation du texte : les chiens, Harmony, la sœur…  même si, à bien y réfléchir, peut-être tout cela pose-t-il la question de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas, auquel cas on est en droit de se demander si nous avons lu un souvenir ou une hallucination… Cela donne tout de suite une autre dimension, non ? À relire ? 


« ceux qui disparaissent sans laisser de traces en laissent beaucoup. »

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