Jamey Bradbury
Après les déceptions provoquées par les deux précédentes lectures ("Robert de Niro, le Mossad et Moi" et surtout "Une somme humaine"), j'avais besoin de grand air et de belles émotions. Je me suis laissée entraînée dans un magnifique voyage dans les neiges de l'Alaska. Une grande bouffée d'air frais !
« Vous ouvrez un livre et absorbez les mots, et grâce à eux vous savez (…). C’est comme boire : vous avalez et ça fait partie de vous. »
En Alaska, Tracy, 17 ans, vit avec son père et son jeune frère depuis la mort de sa maman, quelques mois auparavant. La jeune fille, renvoyée du lycée, aide sur la propriété familiale mais est privée de ce qu’elle aime le plus : aller chasser en forêt et courir avec ses chiens. Fille de Musher, elle rêve de participer à l’Iditarod, la grande course annuelle.
Mais Trace a un secret. Une particularité qu’elle tient de sa mère, et qui fait qu’elle a un lien particulier avec le sang. Un besoin de sang. Sa mère le savait, pas son père.
Lorsqu’elle est agressée en forêt et qu’elle se défend, toute sa vie prend la couleur de la peur. Peur d’être découverte, peur que l’homme revienne, peur de ce qu’elle est capable de faire. Peur aussi de perdre le jeune homme qui vient de s’installer chez eux et avec qui elle noue, petit à petit, une relation particulièrement forte.
De secrets en cachotteries, de sorties nocturnes en fugue, Trace avance dans la vie plus difficilement que dans la forêt. Sauvage à plus d’un titre, elle tente de défaire les nœuds de sa tête et de son cœur, de se nourrir et de se protéger.
« J'ai commencé à apprendre que pour obtenir ce que l'on veut, il est parfois plus simple de prendre son temps et de contourner les obstacles au lieu de tenter de passer en force. »
Ce premier roman de Jamey Bradbury nous plonge dans l'hiver sans fin de l’Alaska. Dans l’univers des courses de chiens. Dans le deuil d’une famille et sa combativité. Dans son amour aussi.
Les descriptions nous font ressentir les aspérités des paysages, la lame du froid, la beauté des cieux nocturnes et des forêts. L’importance de la neige et l’attente des gelées. Mais il a beau faire froid dehors, dans la maison, il y a l’amour qui réchauffe tout. Ce père qui se bat pour ses enfants, les ados qui grognent un peu mais sont dévoués à leur papa. Jesse qui débarque dans cette famille pour fuir on ne sait quoi. Helen, l’infirmière du dispensaire, passe de plus en plus de temps sur la propriété. Et les chiens. Ces chiens qui sont plus qu’un métier, ces chiens qui apportent chaleur et réconfort quand rien ne va plus. Ces chiens qui permettent de s’évader, de revivre, de reprendre espoir quand on a peur d’avoir tout perdu.
Ce premier roman est un premier essai réussi. Les quelques moments de flou deviennent nets au fur et à mesure qu'on avance dans les pages et dans le temps. Trace est attachante, forte, admirable. Et objective. Tout est là : les souvenirs de la mère, l’amour du père, l’agacement du frère, les premiers émois de l’amour, la peur face au danger, la bravoure et le secret.
« Sauvage » est un merveilleux voyage dans un état qu’on connaît peu, auprès d’une famille qu’on aime, dans un univers qu’on prend plaisir à découvrir.
Vivement le prochain roman de la jeune auteure!
« (Papa) m'aimait (...) d'un amour qui le consumait, qui existait comme quelque chose de concret, une chose qui possède une largeur, une profondeur et une hauteur (...) C'était l'amour qu'on a pour une chose qu'on a faite, une chose qui fait toujours partie de soi. C'était écrasant, cet amour infini, je n'en supportais pas le poids. Et pourtant je craignais qu'il s'évapore... »
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