La traversée des Temps 3
Eric-Emmanuel Schmitt

« La faiblesse, c’est de cultiver l’espoir, la force c’est d’éprouver le désespoir. J’accepte donc le pire. »
La destruction de Babel a contraint Abraham et les hébreux à l’exil. C’est dans cet exode que nous retrouvons Noam et Noura. Par un truchement lié à l’ennui et la la jalousie, jeune femme organise la fuite du couple vers le Nil. Mais alors qu’ils filaient le parfait amour, le malheur et la mort les frappent à nouveau, les séparent à nouveau, et il se passe des centaines d’années avant que Noam n’ouvre les yeux, dans l’Egypte des Pharaons, à Memphis.
Désemparé par l’abandon de sa bien-aimée, il devient gigolo auprès du beau Paquen et s'introduit ainsi dans la cour de la Princesse Néférou, qui deviendra bientôt la mère adoptive de Moïse.
« Bienheureuse nature humaine : (...) l'esprit a inventé le narcissisme pour occulter la lucidité, et la mégalomanie pour dissimuler la soumission.»
C’est lorsque l’enfant apparaît dans les pages de ce nouveau tome que celui-ci reprend le cours du récit biblique entamé dans les premiers romans.
Noam et sa nouvelle femme de coeur et de corps, Méret, veillent sur celui qui deviendra le prophète qui a défié Pharaon. De ses premiers jours à son trépas, des flots du Nil à la route de Canaan, du berceau au tombeau, Noam forme et accompagne celui grâce auquel les hébreux ont pu fuir l’Egypte, en route vers la terre promise.
Au temps présent, où il écrit son Histoire et celle de l’Humanité, l’immortel a retrouvé Noura, son mari Sven et sa fille Britta. C’est pour la sauver suite à un grave accident ayant attenter à sa vie que l’idée de vie éternelle surgit et qu’il repense au culte de l’au-delà qui nourrissait les Memphites de l’antiquité.
Nous suivons donc les deux destins, passé et présent sur le thème de l’immortalité, de la préservation des corps autant que des âmes.
Derek, le frère ennemi de Noam est toujours présent, en filigrane, pour nous rappeler, comme à nos héros, que le danger n'est jamais loin, jamais vraiment écarté.
« … on pourrait penser que le passé constitue un objet qu’on ne peut plus modifier, car achevé : en réalité, le passé d’exclure à la lumière du présent et varie donc souvent.»
Il est difficile de résumer ce pavé de presque 600 pages, comme il est difficile de le lâcher une fois qu’on l’a pris en main. Les aventures de Noam nous transportent dans les grandes époques de l’Histoire de l’Humanité et nous rappellent tout ce à quoi nous devons d’être là. Au-delà de la petite histoire, il y a aussi et surtout la grande, dont nous devons tirer des leçons. C’est la force de ces romans que de nous en apprendre à la fois sur le passé et sur le présent.
Je dois avouer par ailleurs que mon esprit cartésien apprécie plus particulièrement les explications plausibles et scientifiques apportées aux faits antiques. Le travail de recherche de Schmitt impressionne par son sérieux, sa minutie, sa clarté. Tout fait sens, tout parle, tout s’explique.
D’aucun critique le recours aux notes de bas de bas de page qui sont parfois longs et nombreux, mais ceux-ci apportent un éclairage sur ce qui est vécu, ce qui s'est (re)produit, et donnent au récit une dimension plus crédible, plus ancrée dans la réalité.
Je me suis une nouvelle fois régalée et il me tarde vraiment de découvrir la suite de cette épopée, de ce portrait de l’Homme et de savoir comment Noam aura traversé des millénaires à la lumière de la sagesse de l’âge.
« Fuir ne débarrasse pas du passé, la géographie ne supprime pas l’histoire. »
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