top of page

Tea-Bag

Henning Mankell

L’été est-il plus propice aux retrouvailles avec des auteurs particuliers? Je me pose cette question alors que je ferme à l’instant ce roman du suédois Mankell, que j’avais découvert en juin dernier avec "Un Paradis Trompeur". Et comme l’an dernier, j’ai passé un très bon moment.


Jesper est poète. Édité à peu d'exemplaires, il bénéficie tout de même d’une certaine notoriété, et a tout le loisir de se concentrer sur sa petite personne qu’il considère importante. Son univers à Stockholm se résume à son bronzage, l’amour de sa compagne, les bénéfices de ses actions, le futur héritage de sa mère, l’intérêt de son éditeur. Jusqu’à ce qu’il se rende compte, étape après étape, que la vraie vie ce n’est pas ça.

Sa concubine menace de le quitter, sa maman de le déshériter, ses investissements l’ont ruiné et son éditeur exige un roman policier (parce que tous les suédois écrivent des polars).


Au bénéfice d’une rencontre avec des lecteurs dans une bibliothèque de Göteborg, il rencontre une jeune femme très noire et très souriante. Elle se présente à lui sous le nom de Tea-Bag et lui demande un mot. Il reverra cette demoiselle, et en rencontrera d’autres grâce à un vieil ami, vivant dans un quartier défavorisé. Là, vivent ceux qui existent sans exister, ceux qui sont là sans devoir l’être, ceux dont on connaît l'existence tout en l’ignorant.


Petit à petit, Jesper va entendre d’abord, puis écouter réellement ce que sont les vies et les réalités de ces personnes, immigrés clandestins, qui ont eu un rêve, sont arrivés en Suède et ont vite déchanté. Fuir, se cacher, mentir, et ne jamais vraiment exister. Telle est leur réalité.

Tout en se débattant avec la sienne, le poète ouvrira les yeux sur la souffrance de ceux qui ont tout quitté pour avoir une vie meilleure mais qui ne l’ont pas eu. Il prêtera attention à la souffrance et aux difficultés rencontrées pour remporter les combats de la vie.


« Tu n’as pas entendu ma voix. Tu n’as entendu que la tienne. Tu ne m’as pas vu. Tu voyais une personne qui naissait de tes mots»

L’écriture de Mankell est drôle, sarcastique et surprenante. L'auteur centré sur lui-même et fermé aux autres, la confrontation avec ce à quoi il n’a jamais prêté attention auparavant, une réalité impensable : celle des clandestins venus chercher le rêve européen. Des histoires de vie terribles, des preuves de courage et de témérité. Une grande leçon de bravoure. Le lecteur, comme le protagoniste, ne peut qu’être touché et ému par la ténacité de ces héros méconnus qui prennent tous les risques pour garantir un meilleur avenir aux générations futures.


« Un jour, la montagne des corps entassés au fond de la mer s’élèvera si haut que le sommet émergera hors des vagues comme une nouvelle terre, et ce pont de crânes et de tibias fera le lien entre les continents...»

13 vues0 commentaire

Posts similaires

Voir tout
bottom of page