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Terres promises

Bénédicte Dupré La Tour

« Entre le mal et le bien, entre la lumière et l'obscurité, s'étendent toutes les tonalités de la vie. Aux extrémités, il n'y a que la mort, où tout finit par se rejoindre.»

Dans un coin flou des Etats-Unis, que l’on associe facilement au grand Ouest Américain, dans le temps ancien de la colonisation par les européens, sur une terre hostile et dans des bourgades tout juste sorties de terre. Une fille de joie, un chercheur d’or, une femme indigène, un bonimenteur (ancien pasteur), un natif… autant de destins qui se croisent autour d’Elliott Burns. Ce dernier va mourir demain, il sera pendu. Pourquoi ? on l'ignore, mais il écrit à ses proches pour le leur dire, leur témoigner de ses souvenirs, de ses colères, de ses frustrations, de ses regrets. 

Dans ce roman choral, on a parfois l’impression de ne lire que des nouvelles indépendantes, rythmées par les courriers d’Elliott mais petit à petit, tous ces destins révèlent leurs liens. Tous ont rêvé de grandes choses, ont nourri de grands espoirs qui se sont révélés sans issue. Sur ces terres promises, les seules promesses tenues sont celles du chagrin et de la désillusion. Même dieu les a abandonnés, et c'est parfois cette prise de conscience du grand néant qui est la plus dure à encaisser, quand elle n'est pas source d'une libération tant attendue.

Ces différents personnages (sur)vivent tant bien que mal, cherchant et trouvant parfois la satisfaction d’assouvir leur vengeance et courant après la possibilité d’accéder au pardon. Y parviendront-ils ? 


« Chez eux, le mot amour n’existe pas. À la place, il y a une mélodie chuchotée ou chantée à pleine voix. Les mots sont trop étroits pour contenir l’amour. »

C’est un premier roman déstabilisant, surtout lorsqu’on s’y lance sans savoir de quoi il retourne. Recommandé par ma communauté, il n’avait besoin d’aucun autre argument pour que je le lise : je ne connaissais rien d’autre que la couleur de la couverture. 

Une fois la dynamique comprise, je me suis plongée dans tous ces destins tragiques, marqués par la peine, la violence, les déception mais aussi le courage et le caractère, particulièrement celui de ces femmes fortes qui savent ce qu’elles veulent et comment l’obtenir. Elles sont époustouflantes, pour ne pas dire terrifiantes pour certaines d’entre elles. L’intervention des natifs permet de situer l’action dans l’espace, quelques indices sur la temporalité nous permet de repérer la chronologie, mais tout reste vague, pour maintenir une sorte de mystère en même temps qu’une universalité des valeurs qui poussent les personnages vers l’avant ou les enfonce, au contraire, dans leur misère. 

La plume de l’auteure est particulièrement poétique, à la fois rude et douce, traduisant la vérité de cette vie de combat contre l’environnement et contre soi-même. On peut être gêné par la pluralité des protagonistes ou bien le prendre comme une opportunité d’avoir une vue panoramique de cette période, de ce lieu, de ces difficultés et des souffrances subies. En ce qui me concerne, j’ai aimé chacun des personnages, les liens entre eux, même ténus, les forces de caractère et la victoire du destin, quel qu’il soit, bénéfique ou condamnant. 


« Dieu voit tout. Dieu entend tout. Et pourtant il ne fait rien.»

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