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Tokyo Vice

Jake Adelstein

« Il ne s’agit pas d’apprendre, mais de désapprendre. Il s’agit de lâcher prise, de se laisser aller, de se débarrasser de toutes tes préconceptions, d’oublier tout ce que tu croyais savoir.»

Ce livre posait question : est-ce un polar ou non ? Où le ranger dans la bibliothèque ? Il remplissait les cases du challenge #menagetapal et je me suis donc plongée dedans pour me faire mon avis.


« Celui qui demande connaîtra l'embarras; celui qui ne demande pas sera honteux toute sa vie. »

Le livre commence par une menace. Jake Adelstein, Américain juif du Missouri travaillant pour un grand quotidien Japonais à Tokyo est sommé par un Yakuza de ne pas publier son article. Dans ce dernier, le gaijin explique que Goto, homme de pouvoir, a fait jouer ses relations et tinter la monnaie pour bénéficier d’une greffe du foie à Los Angeles. La question se pose des ficelles qu’il a tiré pour passer en priorité alors que tant de gens meurent faute d’avoir ce genre de soins de pointe.

Jake revient donc à la genèse. Il explique comment il est devenu journaliste d’investigation auprès du Tokyo Metropolitan Police Department (TMPD), comment il a créé des liens avec des flics, des prostitués, des gangsters, des mafieux. Comment lui, l’étranger à la sale tête a pu se faire une place dans le monde très fermé de la presse japonaise.

De 1992 à 2005, l’américain n’a reculé devant rien, conscient des dangers qu’il encourrait et qu’il faisait courir à ses proches, à ses contacts, à ses sources. Il a plongé dans l’horreur et c’est quand il a été confronté à la traite des femmes qu’il a réalisé qu’il devait aller plus loin et faire plus fort pour défier la pègre en général et Goto en particulier.

C’est une immersion dans le côté sombre du Japon, une dénonciation des aberrations du système mais aussi une mise en lumière des fonctionnements, des traditions, des coutumes d’un pays que l’on croit connaître mais dont on ignore beaucoup de choses.


« Les confessions, c'est pour les prêtres. Toi ça te soulage, mais ça fout la vie des autres en l'air. C'est égoïste. Alors chut. »

En fin de compte, ce récit me fait penser à un autre que j’ai lu, il y a quelque temps : LA Bibliothèque, de Susan Orlean. Il ne s’agit certainement pas d’une fiction, tous les faits relatés par Adelstein sont avérés, et même s’il a pris grand soin de protéger ses sources en taisant leurs noms et en maquillant tout ce qui pourrait les identifier, il est très transparent sur ce qu’il a vu, ce qu’il a vécu, ce à quoi il a assisté et sur les dysfonctionnements de la police et de la politique japonaise.

On a une image de ce pays très ambivalente. A la fois berceau d’une culture ancestrale et très riche, c’est aussi le berceau des fantasmes et de l'incompréhension. Qui n’a pas entendu parler des comportements déviants des japonais qui travaillent 18 heures par jour et qui, en cas de coup dur, se procurent une petite culotte sale dans un distributeur créé à cet effet ? Adelstein rend hommage et dénonce. Il rend hommage à la loyauté, au courage de certains. Il dénonce les horreurs dont se rendent coupables certains autres, et pas que les Yakuza, qui sont pourtant nombreux et puissants.

Ce livre est un voile levé : sexualité, corruption, pédopornographie, mais aussi respect, droiture, entraide. Pour chaque défaut, une qualité. L’amitié profonde dont a bénéficié cet étranger au pays du soleil levant lui a permis de mener à bien ses investigations et de dénoncer un système pourri dans lequel l’argent ouvre toutes les portes, la peur les cale et les anomalies des lois permettent au pire de se produire.

Alors, polar ou pas polar ? C’est un rapport d’enquête, certes. Mais l'écriture dynamique et romancée permet une lecture fluide et facilitée par les nombreux dialogues et les touches d’humour (oui, oui !). Le seul bémol que je mettrais tient dans la chronologie des faits qui n’est pas toujours facile à suivre, Mais au final, on s’y retrouve et on comprend que le mal est sacrément bien implanté dans la société Tokyoïte.

Un livre à lire, un auteur à suivre…


« Parfois, en tant que journaliste, vous avez tendance à oublier les victimes, (…) vous pouvez oublier que les empires sont construits sur la douleur et la souffrance.»

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